• Ceux qui partent

    Ceux qui partent

    Tout ce que l'exil fissure peut ouvrir de nouveaux chemins. En cette année 1910, sur Ellis Island, aux portes de New York, ils sont une poignée à l'éprouver, chacun au creux de sa langue encore, comme dans le premier vêtement du monde.
    Il y a Donato et sa fille Emilia, les lettrés italiens, Gabor, l'homme qui veut fuir son clan, Esther, l'arménienne épargnée qui rêve d'inventer les nouvelles tenues des libres Américaines.
    Retenus un jour et une nuit sur Ellis Island, les voilà confrontés à l'épreuve de l'attente. Ensemble. Leurs routes se mêlent, se dénouent ou se lient. Mais tout dans ce temps suspendu prend une intensité qui marquera leur vie entière.
    Face à eux, André Jonsson, New-Yorkais, père islandais, mère fière d'une ascendance qui remonte aux premiers pionniers. Dans l'objectif de son appareil, ce jeune photographe amateur tente de capter ce qui lui échappe depuis toujours, ce qui le relierait à ses ancêtres, émigrants eux aussi. Quelque chose que sa famille riche et oublieuse n'aborde jamais.

    L'exil comme l'accueil exigent de la vaillance. Ceux qui partent et ceux de New York n'en manquent pas. A chacun dans cette ronde nocturne, ce tourbillon d'énergie et de sensualité, de tenter de trouver la forme de son exil, d'inventer dans son corps les fondations de son nouveau pays. Et si la nuit était une langue, la seule langue universelle ?

     

    -->Ceux qui partent c'est le récit d'une nuit, amorcée par l'arrivée de jour sur Ellis Island d'un flot de migrants. Parmi eux, il y aura Emilia et Donato Scarpa, les Italiens fille et père; Grazia, l'être aimée et décédée, Gabor et Marucca, les bohémiens, amis d'enfance; Esther, la couturière arménienne; Andrew Jonnson, le photographe américain petit fils d'émigrés; Elizabeth (américaine du Mayflower), Sigmundur, ses parents; Ruth et Bjorn ses grands-parents venus d'Islande; Rosalind, cette enfant décédée sur le sol Islandais; Lucile, sa possible destinée; Hazel -Hariklia Antonakis- , fille de plaisir qui lit, émigrée elle aussi et ... ces deux soeurs aux longues tresses.

    Et puis il y a des des exils, l'attente d'un lendemain: Ils rêvent d'enseigner l'Italien, de faire découvrir Virgile à de nouveaux spectateurs, de poursuivre le voyage vers l'Argentine. Un passage obligé par Ellis Island, le réconfort des corps dans la nuit. Jeanne Benameur nous emmène au plus près de ses personnages, de l'un à l'autre. Son récit est envoûtant, sensuel aussi. C'est un voyage en lui-même. Fuir la guerre, fuir pour oublier, fuir la persécution, fuir pour retrouver quelqu'un. Vers une autre vie. Dans son récit, Jeanne Benameur donne également de la place aux questions de la langue maternelle, du sacrifice, de la transmission, des tabous familiaux, du langage des corps et tant d'autres sujets qu'elle aborde avec tout à la fois simplicité, grâce et profondeur...Qu'est-ce que l'amour, la passion? Qu'est-ce qu'être migrant, enfant de migrant? Un récit décidément riche et beau.

    Citations

    - Qu’ont-ils laissé là-bas ?

    Tout. Simplement tout. Maison meubles vaisselle et le reste, ce qui ne se compte pas.

    Peut-il comprendre cela ?

     

    - Doit-on tout avoir de celui qu’on aime ? Doit-on accéder à son être tout entier ? est-ce que l’amour ne peut pas accepter la part manquante ?

     

    - Ils prennent la pose, père et fille, sur le pont du grand paquebot qui vient d’accoster. Tout autour d’eux, une agitation fébrile. On rassemble sacs, ballots, valises. Toutes les vies empaquetées dans si peu.

    Eux deux restent immobiles, face au photographe. Comme si rien de tout cela ne les concernait.

    Lui est grand, on voit qu’il a dû être massif dans sa jeunesse. Il a encore une large carrure et l’attitude de ceux qui se savent assez forts pour protéger. Son bras est passé autour des épaules de la jeune fille comme pour la contenir, pouvoir la soustraire d’un geste à toute menace.

     

     

    -Les voyages, son père ne les a pas faits. Il envoie des journalistes les faire pour lui aux quatre coins du monde. Leur unique voyage familial, c’est pour la maison qu’ils rejoignent près de la mer aux vacances. C’est tout. Elle n’a jamais osé aborder cet épisode ni avec lui ni avec elle. Mais le mot “sacrifice” et le “ce n’est rien” sont devenus une boussole dans sa vie, sans qu’elle y prenne garde.

    Elle, elle ne demandera jamais à un homme de sacrifier ses rêves pour une vie de famille. Elle a trop vu ce que ça donnait. Une vie lisse et en apparence paisible. Dessous, les sables mouvants où l’on peut toujours être englouti si l’on n’y fait pas attention.

     

    - Andrew écoute. Il comprend que son père a continué à construire du solide aussi pour cette enfant qui ne connaitrait jamais la douceur d'une vie dont la faim et le froid sont exclus.

    On ne construit donc pas que pour les vivants. Inexplicablement, cela lui serre le coeur et le soulage à la fois.

     

     

     

     

     


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