• Où on va papa?

    Où on va papa?

    de Jean-Louis Fournier (prix Fémina 2008)

    Présentation de l'éditeur

     "Cher Mathieu, cher Thomas,

    Quand vous étiez petits, j ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
    Je ne l ai jamais fait. Ce n était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "

    Jusqu à ce jour, je n ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J avais honte ? Peur qu on me plaigne ?
    Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c était pour échapper à la question terrible : « Qu est-ce qu ils font ? »
    Aujourd hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j ai décidé de leur écrire un livre.
    Pour qu on ne les oublie pas, qu il ne reste pas d eux seulement une photo sur une carte d invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d ange, et je ne suis pas un ange.
    Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d eux avec le sourire. Ils m ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
    Grâce à eux, j ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.
    Et surtout, pendant de nombreuses années, j ai bénéficié d une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.

    Jean-Louis Fournier

    Pour la première fois dans son oeuvre, Jean-Louis Fournier parle de ses garçons, pour ses garçons. Parce que le temps presse et qu il faut dire autrement. Dire autrement la question du handicap, sans l air contrit ou la condescendance.
    Comme il l a fait en 1999 en évoquant son père, Jean-Louis Fournier conserve, pour ce nouveau roman, l équilibre maîtrisé entre le drôle et la désespérance.
     

    Biographie de l'auteur

    Jean-Louis Fournier est l auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle.

    --> C'est un très court roman, constitué de pensées successives d'un père concernant la place de ses deux enfants handicapés dans sa vie. Des pensées parfois troublantes parce qu'elle vont remuer nos pensées les plus profondes. La lecture est à compléter par la réaction de l'ex-épouse de Jean Louis Fournier, maman de ses enfants. http://mamanmathieuetthomas.monsite-orange.fr/index.html : afin de ne pas avoir une vue étriquée du roman en rappelant sa dimension romanesque et fictive.

    CITATIONS:

    - L' humour, c'est comme les essuie glaces,
    ça n'arrête pas la pluie, mais ça permet d'avancer.

    - Elle est terrible la mort de celui qui n'a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir.

    - " Mes petits oiseaux, je suis bien triste de penser que vous ne connaîtrez pas ce qui, pour moi, a fait les plus grands moments de ma vie.

    Ces moments extraordinaires où le monde se réduit à une seule personne, qu'on existe que pour elle et par elle, qu'on tremble quand on entend ses pas, qu'on entend sa voix et qu'on défaille quand on la voit. Qu'on a peur de la casser à force de la serrer, qu'on s'embrase quand on l'embrasse et que le monde autour de nous devient flou.

    Vous ne connaîtrez jamais ce délicieux frisson qui vous parcourt des pieds à la tête, fait en vous un grand chambardement, pire qu'un déménagement, une électrocution, ou une exécution. Vous chamboule, vous tourneboule et vous entraîne dans un tourbillon qui fait perdre la boule et donne la chair de poule. Vous remue tout l'intérieur, vous donne chaud à la gueule, vous fait rougir, vous fait rugir, vous hérisse le poil, vous fait bégayer, vous fait dire n'importe quoi, vous fait rire et aussi pleurer.

    Parce que, hélas, mes petits oiseaux, vous ne saurez jamais conjuguer à la première personne du singulier et à l'indicatif du présent le verbe du premier groupe: aimer. "

    - Quand on a des enfants handicapés, il faut supporter, en plus, d'entendre dire pas mal de bêtises. Il y a ceux qui pensent qu'on ne l'a pas volé. [...] Il y a ceux qui disent que si on a des enfants handicapés, ce n'est pas du hasard. [...] Il y a ceux qui disent : "Je l'aurais étouffé à la naissance, comme un chat". [...] Il y a aussi ceux qui disent : "L'enfant handicapé est un cadeau du Ciel." Et ils ne le disent pas pour rire. Ce sont rarement des gens qui ont des enfants handicapés. (NB: et là, je pense à ma cousine Marie... rare)

    - Que ceux qui n'ont jamais eu peur d'avoir un enfant anormal lèvent la main.
    Personne n'a levé la main.
    Tout le monde y pense, comme on pense à un tremblement de terre, comme on pense à la fin du monde, quelque chose qui n'arrive qu'une fois.
    J'ai eu deux fins de monde.

    - "Cher Mathieu, cher Thomas,
    Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
    Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "

    - Mathieu et Thomas n'auront jamais de Carte bleue ni de carte de parking dans leur portefeuille. Ils n'auront jamais de portefeuille, leur seule carte, ce sera une carte d'invalidité.

    - Un enfant handicapé a le droit de vote.
    Thomas est majeur, il va pouvoir voter. Je suis sûr qu'il a beaucoup réfléchi, pesé le pour et le contre, analysé méticuleusement les programmes des deux candidats, leur fiabilité économique, il a fait l'inventaire des états-majors de chaque parti.
    Il hésite encore, il n'arrive pas à choisir.
    Snoopy ou Minou ?

     


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