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Coquelicot
et autres mots que j'aime
«Coquelicot. C'est un cri, c'est un appel, c'est un mot de joues rouges et de course folle dans les blés, de mollets piqués par les chardons, de roulades et de cul par-dessus tête dans le fossé.
C'est un mot claquant, insolent, cueille-moi si tu l'oses, je me fanerai aussitôt mais regarde : je suis légion. Je pousse et je repousse, et dans cette flaque rouge tu ne sais plus où poser les yeux. Coquelicots, cavalcade, concours à qui sera le plus rouge, tes joues ou moi.»
Tout en subtilité et profondeur, Anne Sylvestre invoque les mots qui la touchent et l'émeuvent, dévoilant à travers eux la matière même de sa vie. Entre les souvenirs ressurgis et les petits bonheurs du quotidien, entre les coulisses de la scène et les champs de son enfance, ses textes nous plongent avec émotion dans son intimité.--> C'est l'histoire de mots, d'une grande dame qui sait trouver le mot juste, la seule qui ait bercé mon enfance et vers laquelle je me suis naturellement tournée adulte. Il aura fallu qu'elle disparaisse pour que je comprenne, enfin, que mon bonheur de l'écouter est partagé... quant à son livre, moi qui ne suis pas mélomane, il manque de mélodie, cependant elle a toute sa place dans cette collection "le goût des mots". Pour votre curiosité, j'en place quelques-uns en citation. Aujourd'hui s'est éteinte Anne Sylvestre faut-il que les gens s'en aille pour qu'on réalise la place qu'ils occupaient?
- Coquelicot
C'est un cri, c'est un appel, c'est un mot de joues rouges et de course folle dans les blés, de mollets piqués par les chardons, de roulades et de cul par-dessus tête dans le fossé.
C'est un mot claquant, insolent, cueille-moi si tu l'oses, je me fanerai aussitôt mais regarde: je suis légion. Je pousse et je re-pousse, et dans cette flaque rouge tu ne sais plus où poser les yeux. Coquelicots, cavalcade, concours à qui sera le plus rouge, tes joues ou moi.On en faisait des poupées. On cueillait une fleur, sa tige bien longue, et puis après avoir rabattu et noué d'un brin d'herbe sa jupe de soie écarlate, on cassait un bout de la tige pour la piquer en travers du corselet, comme des bras maigres, petite danseuse, marionnette fragile qui ne durait que le temps du plaisir. p.11
- Rafistoler
Il n'est pas la haute. C'est un roturier. Il n'a pas bac++ et il s'en passe. Il a la casquette sur l'oeil, les mains habiles et le sourire encourageant. Il ne peut rien promettre, il n'a pas la notice, mais il va voir ce qu'il peut faire. Chez lui, c'est à la bonne franquette, ça sent les moyens du bord, c'est le royaume du "ça peut servir".
(...) p.13- Ricochets
(...) Soudain, plop plop plop plop... Une petite pierre plate et polie, lancée de main de maître vient d'effectuer un impeccable ricochet, suivi d'un autre, puis d'un autre encore, toujours aussi réussis, jusqu'à ce que, sans doute, les munitions viennent à manquer. Peut être il n'y a pas pléthore de petites pierres plates et polies, prêtes à plonger...
5...) p.19- S'esclaffer
J'aime rire, j'aime le rire. J'aime les rires, le fou rire et les éclats, les gloussements, les miaulements, les épaules qui se secouent, les ricanements, les renflements.
J'aime m'esclaffer.
Faire ha! faire oh! faire ouh! faire crrr! faire aïe! faire non! faire oh lala!S'esclaffer c'est partir dans tous les sens, se taper sur les cuisses, taper des pieds, du poing sur la table, taper sur son voisin, se tenir les côtes parce que ça fait mal, avoir des crampes, des muscles, qui se tétanisent, pleurer, se moucher, aller jusqu'à se rouler par terre, s'estrasser, sauter dans des flaques de rire, hurler, mourir ou presque...
S'esclaffer, c'est se mettre dans tous ses états. Se mettre minable, se faire du bien, exploser et en redemander.
S'esclaffer, c'est mal élevé.
Mais dieux que c'est bon!
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