• L'autre Molière

    Le pacte secret de deux génies.
    C'est une histoire où le bien et le mal se donnent la main. On y avance masqué, on y ment par profession, par vice, par nécessité, on y aime, on s'y trahit et on y ressuscite. "
    La nuit du 21 février 1673, une foule en larmes enterre le baladin Molière. Sous son capuchon,
    le vieux Corneille suit le cortège. Il vient pour Armande, la veuve. Il la désire en secret. Il va lui dire la vérité sur son mari. Et nous l'apprendre. Molière et Corneille, deux faces d'une même médaille, deux génies liés par un pacte inavouable. Ces monstres sacrés avaient‑ils plusieurs visages ? Que nous cache-t-on depuis trois cents ans ?

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  • L'oiseau bleu tombé du nid

    Quatre amis, Louise, Jean, Marie et Antoine forment deux couples happés par la brutalité de la 2nde Guerre mondiale. Leur vie bascule à la disparition de l’un d’eux, et plus encore à la Libération…
    Un demi-siècle plus tard, Victor, biologiste marin de renom ressent vers la cinquantaine le besoin de partir à la quête de ses racines. Enfant abandonné, il a été placé en Suisse comme 100 000 autres. Percera-t-il le terrible secret de ses origines ?
    L’histoire de cette famille normande tisse une fresque bouleversante entre combats, résistance, espoir et folie.
    Dans L’Oiseau bleu tombé du nid, Lily Hétet-Escalard rend un hommage vibrant aux hommes et aux femmes qui ont connu l’horreur de la guerre à travers les voix oubliées de l’Histoire. Un roman déchirant, inspiré d’une histoire incroyable mais vraie.

    --> Cette autrice auto-éditée mérite qu'on s'attarde au récit qu'elle a construit, inspiré par les histoires entendues dans sa région normande. Neuf mois après le débarquement des enfants sont nés. Que sont-ils devenus, de quelle union sont-ils le fruit? Que sont devenus les hommes les femmes, les enfants marqués par l'événement? Le récit de Lily Hétet-Escalard nous emporte, nous interroge et nous fait regarder différemment cette période de l'histoire. La seconde partie est traîne un peu en longueur, le livre reste néanmoins une jolie découverte.


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  • Le lac de nulle part

    Pete Fromm

    Cela fait bientôt deux ans que Trig et Al, frère et sœur jumeaux, n’ont plus de contact avec leur père. Et voilà qu’il réapparaît dans leur vie et réclame “une dernière aventure” : un mois à sillonner ensemble en canoë les lacs du Canada.
    À la fois excités à l’idée de retrouver la complicité de leur enfance et intrigués par ces retrouvailles soudaines, les jumeaux acceptent le défi de partir au milieu de nulle part. Mais dès leur arrivée, quelque chose ne tourne pas rond, les tensions s’installent. Contrairement à ses habitudes, leur père paraît mal préparé à l’expédition, qui s’annonce pourtant périlleuse par ce mois de novembre froid et venteux. Tous les trois devront naviguer avec la plus grande prudence entre leurs souvenirs et la réalité qui semble de plus en plus leur échapper.
    Le nouveau roman de Pete Fromm est un voyage inattendu à travers les lacs du Canada où la surface glacée de l’eau sert de miroir à nos peurs, colères et espoirs.

    --> Un père que l'on pourrait dire en rupture familiale convoque ses enfants, grands, des jumeaux, pour une virée en canoë en souvenir du temps passé. Trig et Al obtempère à l'invitation du père. Ils s'envolent pour l'Ontario. Une régions parsemée de lacs. Nous sommes à la fin de l'automne. Le père ne semble pas avoir tous ses moyens, oublie beaucoup de choses. Leur expérience passée et avertie ne met pas en garde le garde forestier qui les laisse partir malgré une saison avancée. Le décor est posé pour un huit clos en pleine nature, menacés par le temps de plus en plus froid, les ours et la glace.
    Le récit se dévore tel un "page turner" au risque de ne pas dormir beaucoup pour terminer le livre. La seconde moitié traîne cependant un pe en longueur, ou l'impatience a eu raison d'une lecture intégrale: elle s'est naturellement accélérée, en diagonale pour connaître le dénouement.
    Une lecture convaincante qui me donne envie de découvrir Indian Creek du même auteur.


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  • Le bal es folles

    Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires.
    Réparti sur deux salles – d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques – ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.

    Véro Cazot et Arianna Melone s'emparent du best-seller de Victoria Mas pour nous dévoiler, dans un très beau roman graphique, sous l'apparente douceur de l'aquarelle, la cruauté de la société du XIXe envers les femmes.

    --> Dans ce roman habile, Victoria Mas nous livre l'histoire d'Eugénie, internée à la demande de son père à la Salpêtrière à la fin du XIXème siècle. Eugénie fait partie de ces personnes "atteintes" de spiritisme et de voyance: elle entend les morts. A la salpétrière est donnée tous les ans un bal, le "bal des folles" qui réunit les patientes sous les yeux de l'aristocratie parisienne.

    Une belle et forte adaptation graphique de Véro Cazot illustrée par Arianna Melone est publié chez Albin Michel.


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  • Abel Bac, flic solitaire et bourru, évolue dans une atmosphère étrange depuis qu'il a été suspendu. Son identité déjà incertaine semble se dissoudre entre cauchemars et déambulations nocturnes dans Paris. Reclus dans son appartement, il n'a plus qu'une préoccupation : sa collection d'orchidées, dont il prend soin chaque jour. C'est cette errance que vient interrompre Elsa, sa voisine, lorsqu'elle atterrit ivre morte un soir devant sa porte.
    C'est cette bulle que vient percer Camille Pierrat, sa collègue, inquiète de son absence inexpliquée. C'est son fragile équilibre que viennent mettre en péril des événements étranges qui se produisent dans les musées parisiens et qui semblent tous avoir un lien avec Abel. Pourquoi Abel a-t-il été mis à pied ? Qui a fait rentrer par effraction un cheval à Beaubourg ? Qui dépose des exemplaires du Parisien où figure ce même cheval sur le palier d'Abel ? A quel passé tragique ces étranges coïncidences le renvoient-elles ? Cette série de perturbations va le mener inexorablement vers Mila.
    Artiste internationale mystérieuse et anonyme qui enflamme les foules et le milieu de l'art contemporain à coups de performances choc. Pris dans l'oeil du cyclone, le policier déchu mène l'enquête à tâtons, aidé, qu'il le veuille ou non de Camille et d'Elsa.

    Le nouveau roman de Claire Berest est une danse éperdue, où les personnages se croisent, se perdent et se retrouvent, dans une enquête haletante qui voit sa résolution comme une gifle.

    --> Après avoir écrit sur Francis Picabia (Gabriële) puis Frida Kahlo (Rien n'est noir), le nouveau roman de Claire Berest questionne la performance dans l'art contemporain.

    Abel Bac, la quarantaine, est solitaire, méticuleux. Policier.

    Il est aussi collectionneur d'orchidées.

    Il fait des cauchemars récurrents, en proie aux insomnies.

    Suspendu de ses fonctions, cet homme est perdu.

    Bousculé par Camille et Elsa, les deux entités féminines de sa vie.

    Dans les musées ont lieu des happenings desquels Abel Bach se sent concerné. Pourquoi?

     


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  • Trois jeunes soeurs ayant fui l’Iran au moment de la révolution trouvent refuge dans un petit village d’Irlande pluvieux et replié sur lui-même. Elles y ouvrent le Babylon Café et bientôt les effluves ensorcelants de la cardamome et de la nigelle, des amandes grillées et du miel chaud bouleversent la tranquillité de Ballinacroagh. Les habitants ne les accueillent pas à bras ouverts, loin s’en faut. Mais la cuisine persane des trois soeurs, délicate et parfumée, fait germer d’étranges graines chez ceux qui la goûtent. Les délicieux rouleaux de dolmas à l’aneth et les baklavas fondant sur la langue, arrosés d’un thé doré infusant dans son samovar en cuivre, font fleurir leurs rêves et leur donnent envie de transformer leur vie.

    Marsha Mehran s’est inspirée de sa propre histoire familiale pour composer ce roman chaleureux et sensuel où la cuisine joue le plus beau rôle. S’y mêlent le garm et le sard, le chaud et le froid, tristesse et gaieté, en une alchimie à l’arôme envoûtant d’eau de rose et de cannelle.
    Et pour que chacun puisse expérimenter la magie de la cuisine persane, une recette accompagne chaque chapitre du livre.

    --> Quelle bonne idée! Accompagner chaque chapitre du livre par une recette de cuisine!


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  • Des histoires vraies

    Publié pour la première fois en 1994 et régulièrement réédité et enrichi depuis, Des histoires vraies revient cette année pour la sixième fois augmenté de six récits inédits. Sophie Calle continue à nous raconter ses histoires, dans un langage précis et sobre, avec le souci du mot juste. Tantôt légères et drôles, tantôt sérieuses, dramatiques ou cruelles, ces histoires vraies, toutes accompagnées d’une image, livrent dans un work in progress les fragments d’une vie.

    --> Un ouvrage, une oeuvre, une artiste à découvrir. Chaque fragment, anecdote résonne et on pense à soi, aux autres. Entre intime et vérité universelle.


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  • Un tesson d'éternité

    Anna Gauthier mène une existence à l’abri des tourments entre sa pharmacie, sa villa surplombant la mer et sa famille soudée.
    Dans un climat social inflammable, un incident survient et son fils Léo, lycéen sans histoire, se retrouve aux prises avec la justice. Anna assiste impuissante à l’écroulement de son monde, bâti brique après brique, après avoir mesuré chacun de ses actes pour en garder le contrôle.
    Qu’advient-il lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine et fait voler en éclats les apparences le temps d’un été ?

    À travers un portrait de femme foudroyant d’intensité et d’émotion, Un tesson d’éternité remonte le fil de la vie d’Anna et interroge en un souffle la part emmurée d’une enfance sacrifiée qui ne devait jamais rejaillir.

     


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  • Mon mari

    C’est une femme toujours amoureuse de son mari après quinze ans de vie commune. Ils forment un parfait couple de quadragénaires : deux enfants, une grande maison, la réussite sociale. Mais sous cet apparent bonheur conjugal, elle nourrit une passion exclusive à son égard. Cette beauté froide est le feu sous la glace. Lui semble se satisfaire d’une relation apaisée : ses baisers sont rapides, et le corps nu de sa femme ne l’émeut plus. Pour se prouver que son mari ne l’aime plus – ou pas assez – cette épouse se met à épier chacun de ses gestes comme autant de signes de désamour. Du lundi au dimanche, elle note méthodiquement ses « fautes », les peines à lui infliger, les pièges à lui tendre, elle le trompe pour le tester. Face aux autres femmes qui lui semblent toujours plus belles, il lui faut être la plus soignée, la plus parfaite, la plus désirable.

    On rit, on s’effraie, on se projette et l’on ne sait sur quoi va déboucher ce face-à-face conjugal tant la tension monte à chaque page. Un premier roman extrêmement original et dérangeant.


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  • Au printemps des monstres

    Ce n’est pas de la tarte à résumer, cette histoire. Il faut procéder calmement. C’est une histoire vraie, comme on dit. Un garçon de onze ans est enlevé à Paris un soir du printemps 1964. Luc Taron. (Si vous préférez la découvrir dans le livre, l’histoire, ne lisez pas la suite : stop !) On retrouve son corps le lendemain dans une forêt de banlieue. Il a été assassiné sans raison apparente. Pendant plus d’un mois, un enragé inonde les médias et la police de lettres de revendication démentes, signées « L’Étrangleur » ; il adresse même aux parents de l’enfant, horrifiés, des mots ignobles, diaboliques, cruels. Il est enfin arrêté. C’est un jeune homme banal, un infirmier. Il avoue le meurtre, il est incarcéré et mis à l’écart de la société pour le reste de sa vie. Fin de l’histoire. Mais bien sûr, si c’était aussi simple, je n’aurais pas passé quatre ans à écrire ce gros machin (je ne suis pas fou). Dans cette société naissante qui deviendra la nôtre, tout est trouble, tout est factice. Tout le monde truque, ment, triche. Sauf une femme, un point de lumière. Et ce qu’on savait se confirme : les pervers, les fous, les odieux, les monstres ne sont pas souvent ceux qu’on désigne.


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  • Fausto a quarante ans, Silvia en a vingt-sept. Il est écrivain, elle est artiste-peintre. Tous deux sont à la recherche d’un ailleurs, où qu’il soit. Alors que l’hiver s’installe sur la petite station de ski de Fontana Fredda, au cœur du val d’Aoste, ils se rencontrent dans le restaurant d’altitude Le Festin de Babette. Fausto fait office de cuisinier, Silvia, de serveuse. Ils se rapprochent doucement, s’abandonnant petit à petit au corps de l’autre, sans rien se promettre pour autant. Alors qu’arrive le printemps et que la neige commence à fondre, Silvia quitte Fontana Fredda pour aller toujours plus haut, vers le glacier Felik, tandis que Fausto doit redescendre en ville rassembler les morceaux de sa vie antérieure et finaliser son divorce. Mais le désir de montagne, l’amitié des hommes et des femmes qui l’habitent et le souvenir de Silvia sont trop forts pour qu’il résiste longtemps à leur appel.


    Après le succès mondial des Huit Montagnes, Paolo Cognetti revient sur ses sommets bien-aimés avec un éblouissant roman d’amour, véritable ode à la montagne tour à tour apaisante, dangereuse, imprévisible et puissante.


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  • Conversations

    Roman presque exclusivement composé de conversations entre femmes – les histoires qu’elles se racontent entre elles, et celles qu’elles se racontent à elles-mêmes – Les conversations traverse vingt ans de la vie d’une jeune fille, femme, mère, avide d’expériences et déterminée à bouleverser son existence.

    Au gré d’échanges sur la honte et l’amour, l’infidélité et l’auto-destruction, Miranda Popkey aborde le désir, le dégoût, la maternité, la solitude, l’art, la douleur, le féminisme, la colère, l’envie, et la culpabilité.

    Audacieux, ironique et porté par une langue qui grésille d’intelligence et de sensualité, ce roman révèle une nouvelle auteure extrêmement talentueuse.

     


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  • Anna Gauthier mène une existence à l’abri des tourments entre sa pharmacie, sa villa surplombant la mer et sa famille soudée.
    Dans un climat social inflammable, un incident survient et son fils Léo, lycéen sans histoire, se retrouve aux prises avec la justice. Anna assiste impuissante à l’écroulement de son monde, bâti brique après brique, après avoir mesuré chacun de ses actes pour en garder le contrôle.
    Qu’advient-il lorsqu’un grain de sable vient enrayer la machine et fait voler en éclats les apparences le temps d’un été ?

    À travers un portrait de femme foudroyant d’intensité et d’émotion, Un tesson d’éternité remonte le fil de la vie d’Anna et interroge en un souffle la part emmurée d’une enfance sacrifiée qui ne devait jamais rejaillir.


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  • Ne t'arrête pas de courir

    Mathieu Palain

    L’énigme d’un homme, champion le jour, voyou la nuit. Un face-à-face exceptionnel entre l’auteur et son sujet.

    De chaque côté du parloir de la prison, deux hommes se font face pendant deux ans, tous les mercredis. L’un, Mathieu Palain, est devenu journaliste et écrivain, alors qu’il rêvait d’une carrière de footballeur. L’autre, Toumany Coulibaly, cinquième d’une famille malienne de dix-huit enfants, est à la fois un athlète hors norme et un cambrioleur en série. Quelques heures après avoir décroché un titre de champion de France du 400 mètres, il a passé une cagoule pour s’attaquer à une boutique de téléphonie.

    Au fil des mois, les deux jeunes trentenaires deviennent amis. Ils ont grandi dans la même banlieue sud de Paris. Ils auraient pu devenir camarades de classe ou complices de jeux. Mathieu tente d’éclaircir « l’énigme Coulibaly », sa double vie et son talent fracassé, en rencontrant des proches. Il rêve qu’il s’en sorte, qu’au bout de sa course, il se retrouve un destin.

    Tout sonne vrai, juste et authentique dans ce livre. Mathieu Palain a posé ses tripes sur la table pour nous raconter ce face-à-face bouleversant. Quand la vraie vie devient de la grande littérature.

    Remarqué pour ses talents de portraitiste dans la revue XXI, Mathieu Palain a publié son premier roman, Sale Gosse, à L’Iconoclaste en 2019, qui a été un succès critique et public. Avec Ne t’arrête pas de courir, il affirme son goût pour une littérature du réel, dans la lignée des journalistes écrivains. Il a 32 ans.

    --> Qu'est-ce qui pousse Toumany Coulibaly, athlète de haut niveau, à voler et récidiver? D'ailleurs, comment est-il devenu champion du 400 mètres en passe d'être sélectionné aux J.O. Que peut-il se passer dans sa tête. Quelle est l'histoire de l'homme derrière l'athlète, derrière le délinquant, derrière le prisonnier? Mathieu Palain témoigne de ses visites auprès d'un prisonnier, on devine une empathie entre le journaliste et le prisonnier. Ce récit, hyperréaliste, n'apporte aucune réponse, juste des suppositions et on s'interroge... que va faire Coulibaly en sortant de prison? C'est un récit à lire.


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  • Géantes

    Laura, passionnée de littérature japonaise, travaille pour la petite entreprise de peinture de son mari. A sa surprise, elle est sollicitée en urgence pour dépanner la médiathèque de sa ville et dialoguer publiquement avec l'un de ses écrivains favoris. Sa prestation est si étonnante que le romancier en parle sur les ondes d'une grande radio. Cette sortie soudaine de l'anonymat produit chez la jeune femme une étrange réaction. Elle grandit, grandit, grandit... A cette fable menée tambour battant, Murielle Magellan mêle des extraits de son journal qui, peu à peu, mettent en perspective la remarquable évolution de la place des femmes dans la société d'aujourd'hui. A bas bruit, Géantes est aussi un vibrant hommage à la littérature et à la lecture.

     


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  • Six pieds sur terre

    « Sans même s'en rendre compte, on marche vers ce qui nous rend vivant. »

    Sans le savoir, Camille et Jérémy marchent l’un vers l’autre depuis leur naissance. Devenus adultes, ils s’aiment sans parvenir à être heureux ensemble, Jérémy s’efforçant de cacher à Camille les ombres qui le hantent. Le jour où Camille lui confie le désir de porter leur enfant, Jérémy ne parvient plus à tenir debout face aux possibles sur le point de s’écrire. La perspective de devenir père convoque lentement toutes les morts, car comment donner la vie quand on peine soi-même à trouver sa place parmi les vivants ?

    Le premier roman de littérature générale d’Antoine Dole, alias Mr Tan, auteur de la série jeunesse phénomène Mortelle Adèle.

    --> Ce récit remue les tripes au bord du désespoir et pourtant tellement du côté de la vie. Avec une écriture puissante, riche en brèves métaphores, Antoine Dole convoque nos émotions. Qu'est ce qu'on est bien six pieds sur terre!


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  • Seule en sa demeure

    Au XIXe siècle, Aimée, 18 ans, épouse Candre Marchère et s'installe au domaine de la Forêt d'Or. Très vite, elle se heurte au silence du riche propriétaire terrien du Jura et à la toute puissance de sa servante, Henria. Elle cherche sa place dans cette demeure hantée par le fantôme d'Aleth, la première épouse. Jusqu'au jour où Emeline, venue donner des cours de flûte, fait éclater ce monde clos.

    --> Cécile Coulon nous transporte en une demeure dans laquelle réside les mystères de ce qui est tu, soulève les questions de ce que nous voudrions comprendre. Les chapitres courts nous emmènent de l'un à l'autre et sans que nous y prenions garde nous approchons de la fin. Un sentiment de déjà vu/ déjà lu (la naissance du désir, le destin d'une jeune femme à marier, les secrets de famille) n'a pas enlevé le plaisir de dévorer cette lecture. On y retrouve une part de mystère présent dans les précédents ouvrages de l'autrice. Le suspens est bien travaillé et la qualité des livres de l'iconoclaste (papier, mise en page, couverture) ne se dément pas. A lire et partager!


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  • « Je ne voulais pas attendre plus longtemps pour vous écrire, vous parler de mon impatience, peut-être pour apprendre à attendre et ne plus être l’enfant gâté qui veut tout, tout de suite. En attendant, j’attends le bonheur et mon plombier. »

    Avec son ton unique, son humour, son esprit inimitable, Jean-Louis Fournier nous offre un récit plein de tendresse, de mélancolie et de rires sur la patience et son contraire : nos impatiences, nos urgences, notre rapport au temps.

    --> Pour faire court, Jean-Louis Fournier a fait court. Il s'en justifie et le revendique. Son éditeur le camoufle dans un gros vrai livre. "Certains lecteurs disent qu'ils n'en ont pas pour leur argent", c'est lui qui le dit (p.51). Si c'est une courte vue de penser que la valeur d'un livre est fonction de sa densité, là, il faut le dire, il tend un bâton. Son recueil tiendrait en moins de 100 pages si nous pensions aux forêts. Le contenu n'en serait pas changer. Quoi que quand il s'agit de temps, de souffle, d'espace.... la présentation participe à l'argument. Pour résumé cet opus de Jean-Louis Fournier ne devrait pas décevoir son public sans pour autant en conquérir de nouveaux. Certaines pages ont des allures d'aphorismes à retenir, mais je suis impatiente de passer à d'autres lectures.


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  • Qui es-tu Alaska?

    Miles Halter a seize ans mais n'a pas l'impression d'avoir vécu. Assoiffé d'expériences, il quitte le cocon familial pour le campus universitaire : ce sera le lieu de tous les possibles, de toutes les premières fois. Et de sa rencontre avec Alaska. La troublante, l'insaisissable Alaska Young, insoumise et fascinante. Amitiés fortes, amour, transgression, quête de sens : un roman qui fait rire, et fondre en larmes l'instant d'après..."Le défi en écrivant "Qui es-tu Alaska ?" était de comprendre qu'un roman est là pour révéler la vérité, sans se préoccuper des faits. Car pour citer William Faulkner : "C'est la vérité qui m'intéresse, pas les faits"" John Green.

    --> Me voilà donc avec Qui es-tu Alaska en main, à la recherche de la citation qui fait le titre énigmatique du guide de littérature ado des frères Lévêque: En quête d'un grand peut-être.
    Ma curiosité est rapidement satisfaite: je n'ai pas eu à attendre plus de 4 pages pour avoir ma réponse. Rabelais aurait prononcé ces paroles sur son lit de mort "Je pars en quête d'un grand peut-être" Ces 4 pages ont également suffit à attiser mon intérêt de lecture : c'est dire la force d'attraction de ce livre.
    Nous allons vivre avec Miles Halter (passionné par les dernières paroles des personnages célèbres) sa première année de pensionnat choisie pour rompre avec sa vie. Ce livre est parfait pour les lectures adolescentes. Je ne mettrai pas la même appréciation selon que je me situe comme lectrice ou comme prescriptrice, c'est un petit regret: à bientôt 50 ans, ce livre ne peut pas me procurer la saveur qu'il peut avoir à 16 ans. Néanmoins, je perçois l'intérêt et la réflexion que peuvent procurer la vie de Miles et ses acolytes Chip, Takumi, Lara et bien sûr Alaska sur des thèmes tels que l'amitié, les premières expériences, la mort... sur la question fondamentale du sens de la vie.
    Un excellent livre.


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  • Trois jours, c'est le temps qu'un adolescent va passer dans un village isolé, où il décide de planter sa tente en plein mois de février. sa démarche insolite éveille la curiosité des villageois et bientôt, la méfiance tourne à la suspicion lorsque survient dans son sillage une série d'évènement étranges. Chacun, au coeur de ce village pétrifié de froid, projette ses fantasmes et ses peurs sur le jeune inconnu...

    --> C'est l'histoire de l'arrivée d'un étranger dans un petit village. Il va y séjourner 3 jours, puis repartir.
    Adolescent, nous dit la quatrième de couverture. Son âge reste relativement indéterminé. Il est jeune, certes.
    L'époque n'est pas très précise non plus. On fume dans le café, mais il semble qu'on soit à l'époque des téléphones portables. On ne se situe pas précisément dans une époque.

     


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  • Novak court. Il est poursuivi et fuit pour sauver sa peau. Heureusement, il a Scarlett avec lui. Scarlett, l’intelligence artificielle de son brightphone. Celle qui connaît toute sa vie, tous ses secrets, qui le guide dans la ville, collecte chaque donnée, chaque information qui le concerne. Celle qui répond autant à ses demandes qu’aux battements de son cœur. Scarlett seule peut le mettre en sécurité. A moins que… Et si c’était elle, précisément, que pourchassaient ses deux assaillants ?

    --> C'est efficace, percutant et actuel. Cette nouvelle aux éditions Rageot vient me rappeler que je n'ai toujours pas lu M. Damasio. N'hésitez pas à commencer par ce court texte et glissez le entre de nombreuses mains. Je l'ai acheté aujourd'hui, jour de sa sortie officielle. Il a déjà fait 3 lecteurs :) Une petite fiction comme celle-ci, qui peut glisser de poche en poche et fait réfléchir à l'utilisation smartphone, cest tout bon!


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  • « Les meilleures choses sont celles que vous n'auriez jamais su vouloir jusqu'à ce que vous les ayez. Internet prend vos désirs et vous les recrache, consommés. Vous lancez une recherche, vous entrez les mots que vous connaissez, les choses que vous avez déjà à l'esprit, et Internet vous crache un livre, une image ou une notice Wikipédia. Mais c'est tout. C'est ailleurs qu'il faut chercher ce qu'on ne sait pas ne pas savoir ».

    Que se passerait-il si nous éliminions de notre vie toute irruption du hasard, de la chance et de l'inconnu ? Il y a fort à parier que nous sombrerions dans l'ennui le plus épais. Nous croyons maîtriser la réalité via internet, les librairies en ligne et les sites de rencontre - mais sans le hasard, la chance et l'inconnu, pas de Juliette pour Roméo, pas de livres bouleversants dont nous ignorions l'existence !


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  • La familia grande

    « Souviens-toi, maman : nous étions tes enfants. »
    C.K.

    C’est l’histoire d’une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l’été.

    C’est le récit incandescent d’une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.

    Camille Kouchner, 45 ans, est maître de conférences en droit. La Familia grande est son premier livre.

    -->Espérons que l'hydre contre laquelle Camille Kouchner combat soit à terre à jamais. Ce livre ne dénonce pas seulement l'inceste d'un grand de ce monde sur son beau-fils. Il dénonce des ramifications du crime: les culpabilités, l'omerta régnante. Ce livre resitue une histoire particulière de la libération sexuelle, du féminisme et du statut d'enfant dans tout ça. On n'oublie pas tout au long du récit que l'auteure est née dans les années 70, cette génération d'après 68.
    Il met en lumière une enfance d'une certaine manière ignorée et la toute puissance des adultes dans une "grande" famille. Le paradoxe de l'attachement et de l'obéissance.
    Toute une part d'héritage du passé familial est aussi rapportée, on pense ici aux suicides du côté maternel.
    Ce livre est efficace, espérons qu'il le soit pour abattre l'hydre, métaphore parlante.


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  • Loin du soleil

    Résumé
    Postée derrière sa haie, ou à travers la porte vitrée de la cuisine, Greta, qu'une maladie condamne à fuir le soleil, regarde grandir Loïc dans la campagne profonde, quelque part en France. Dans ce territoire abandonné, où planent les ombres du passé et la violence du présent, le destin de Loïc, très tôt frappé par le malheur, semble inexorable. Greta saura-t-elle infléchir le cours de cette vie ?

    Écrivain et comédienne, Françoise Henry a publié dix romans (Calmann-Levy, Pauvert, Grasset et Gallimard), dont Journée d’anniversaire (prix Cino del Duca, prix Comtois), Le Rêve de Martin (finaliste au Fémina, prix M. Audoux), Juste avant l’hiver (prix Ch. Exbrayat, prix Fondation Ch. Oulmont, prix d’Ambronay), La Lampe, et Plusieurs mois d’avril (Blanche/Gallimard). En 2019 elle a publié son premier recueil de nouvelles : Jamais le droit de crier aux éditions The Menthol House.

    Elle joue et écrit des pièces pour France-Culture et pour France-Inter. Elle intervient également dans les collèges, et anime des ateliers d’écriture en primaires, collèges et lycées. Elle est membre du C.A. de la Société des Gens de Lettres. En 2019, elle a été lauréate d'une résidence d’écriture à la Villa Marguerite Yourcenar.

    Note de l'éditeur
    A travers l’histoire d’une famille, et surtout d’un enfant qui devient adulte, le roman des gens de peu dans les territoires perdus de la République. « On retrouve dans ce nouveau roman la tonalité si singulière de l’auteure du Rêve de Martin : une justesse poignante, toute en sobriété et en délicatesse, dans l’attention portée aux “simples” dont nul n’a souci. » Sylvie Germain
    Ils recommandent !
    « Bien sûr je ne suis qu'une voisine : Greta. Mais j'ai tout vu, j'ai vécu l'histoire dès sa naissance si l'on peut dire. J'aurais aussi bien pu être un chat, ou un oiseau, partageant la vie de ce hameau. À cet instant, je serais plutôt une chouette-effraie, qui sait tourner la tête à cent quatre-vingts degrés. Sans bouger de sa branche elle épie tout, de ses grands yeux fixes. »

    --> Françoise Henry avec un récit simple nous amène dans les replis de l'âme humaine. Le récit est simple, comme l'histoire finalement, mais quelle émotion! Tel le courant d'un ruisseau, on se laisse emporter pour ne refermer le livre qu'une fois l'histoire terminée. Dans un petit hameau de 4 maisons un garçon de 30 ans réapparaît après une dizaine d'années d'absence. La voisine raconte ce qu'elle sait, témoin au sein du hameau des drames d'un foyer :elle déroule sur trente ans ce qu'elle a vu, prise à partie de temps en temps malgré elle. Situation du voisins: concerné mais pas impliqué. Elle soigne sa culpabilité de simple témoin et prend part comme elle le peut à la destinée du jeune Loïc. Elle est elle-même atteinte d'une maladie qui l'oblige à ne pas s'exposer à la lumière, à vivre et oeuvrer dans l'ombre. Elle nous montre en particulier comment une existence peut être reniée, un enfant, une personne peut être en mal d'amour. Elle nous montre la chute d'un homme dans l'alcool. Dans son récit, personne ne juge, le temps se déroule, c'est ainsi.
    On est proche de l'art de la narration des histoires grises de Philippe Claudel. Un très beau roman.

    Citations:

    -S'il te plaît, lui as-tu demandé, est-ce que tu pourrais me prendre dans tes bras ?
    Si je me souviens de ces termes avec exactitude, c'est qu'ils résonnent dans ma mémoire comme si je les avais moi-même entendus. Elle en a été bouleversée, Anne-Marie, ainsi qu'elle le sera toujours quand elle pense au moment où tu lui as adressé cette prière, à voix tellement peu forte que les hommes pris dans leur conversation l'ont à peine entendue Tu t'es retrouvé assis sur ses genoux tandis qu'elle te serrait contre elle, qui ne pouvait que répéter :
    - Mon petit, mon petit...p.75

    Tout le monde est retourné à son quotidien. On a de grands élans comme ça, on a les yeux embués quand on en parle, puis on se retrouve vite coincé dans ses habitudes. p.76

    On sait bien qu’il n’y a pas beaucoup de sécurité dans l’amour, et personne ne peut être assuré d’être aimé aujourd’hui, ou demain. Pourtant les enfants, au moins, devraient éprouver cette sécurité-là : être aimés par leurs parents. Ne pas savoir si l’on est aimé est peut-être la chose la plus déstabilisante qui soit, cela peut vous plonger dans un abîme de panique, vous conduire à des gestes fous.

    Maintenant, tu sais bien qu'elle s'est tirée définitivement. Qu'on t'a abusé. Que les avions ne transportent que des vivants. Que ces vivants, un jour ou l'autre, reviennent, ou alors ils meurent dans des crashs et on vous met forcément au courant. Tu sais, à sa décharge s'il en est besoin, qu'elle ne t'a jamais trahie. Mais cela ne te console pas.

     


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  • Histoire du fils

    Marie-Hélène Lafon

    Le fils, c’est André. La mère, c’est Gabrielle. Le père est inconnu.

    André est élevé par Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille.

    Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le cœur d’une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences.

    Avec ce nouveau roman, Marie-Hélène Lafon confirme la place si particulière qu’elle occupe aujourd’hui dans le paysage littéraire français.

    Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel.

    --> Je découvre Marie-Hélène Lafon avec ce prix Renaudot, court roman sur la quête des origines et à travers l'histoire du fils, une histoire de famille. Les chapitres font des sauts dans le temps, en avant, en arrière.... si bien qu'au quatrième chapitre il m'aura fallu revenir au début du récit pour mettre les choses dans l'ordre. Je me suis interrogée: qu'est ce que cet effort demandé au lecteur apporte au récit? Ce récit aurait-il autant de puissance narré dans l'ordre chronologique? Une fois bien située, cette histoire transgénérationnelle met en avant la force des non dits, la quête d'identité. C'est une histoire non dénuée de chaleur, avec une écriture enlevée, travaillée, qui donne envie de lire de découvrir plus avant cette auteure.


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  • Ne plus jamais marcher seuls

    Laurent Seyer

    Elle s’appelle Naomi Strauss, elle est parisienne, un peu bobo, journaliste dans un hebdo « plutôt de gauche ». Lui, c’est Nick Doyles, chauffeur de taxi à Liverpool, évidem­ment supporter de foot et ouvertement pro-Brexit. Quand la première est envoyée pour interviewer le second, ça ne peut faire que des étincelles. Entre incompréhensions et préjugés, la rencontre est houleuse et le « vivre ensemble » prôné par la journaliste ne semble pas aller de soi.
    Il ne faudra rien de moins qu’un acte héroïque improbable, un incident diplomatique impliquant la Reine et un chant repris en chœur par tout un stade, pour qu’ils éprouvent l’un envers l’autre un début de tolérance, voire de complicité.
    Cette comédie à l’anglaise, façon Laurent Seyer, tente de réconcilier smoothie bio et fish & chips, « vivre ensemble » et « chacun chez soi ».

    --> Une comédie simple, "rafraîchissante", construite sur des préjugés dévoilés pour mieux en rire. On passe un bon moment avec Naomie et Nick, malgré eux. Une petite pirouette à la fin: tout rentre et reste dans l'ordre des choses, avec un petit mieux: on gagne toujours à découvrir l'altérité.


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  • Les dieux du carnage

    A l’école, Ferdinand attaque Bruno à coups de bâton. Les parents se rencontrent pour régler le litige dans l’appartement du blessé. Au tout début, urbains, bienveillants, conciliants, ils tentent de tenir un discours commun de tolérance et d’excuse qui s’envenime peu à peu. Entre Alain Reille, avocat sans scrupule qui répond sans cesse à son portable tout en défendant une vision du monde à la John Wayne, Véronique Houillé à la morale citoyenne qui écrit un livre sur le Darfour, son mari Michel qui vient d’abandonner le hamster de sa fille dans le caniveau et Annette Reille qui se met à vomir, c’est la débandade, le chacun pour soi, le conflit ouvert, la catastrophe qui s’annonce…
    A partir d’un petit fait du quotidien chez des quadras bourgeois (l’univers de Art et de Trois versions de la vie), Yasmina Reza évoque avec jubilation, férocité et tendresse aussi tous les paradoxes de la condition humaine : l’égoïsme et la générosité, la responsabilité et l’indifférence, la politesse et la brutalité, le futile et le grave, tout le dérisoire des grandes déclarations qui s’effondrent à la moindre anicroche.

    --> Adapté au cinéma en 2011, j'avais gardé un souvenir savoureux d'un huit clos tout en tension... ce fut un plaisir de trouver le texte par l'auteure d'Art. L'occasion de refaire les scènes pour soi, de s'éloigner de l'image et s'approprier encore mieux les situations.

    Alain: Madame, notre fils est un sauvage. Espérer de lui une contrition spontanée est irréel. Bon, je suis désolé, je dois retourner au cabinet. Annette, tu restes, vous me raconterez ce que vous avez décidé, de toute façon je ne sers à rien. La femme pense il faut l'homme, il faut le père, comme si cela servait à quelque chose. L'homme est un paquet qu'on traîne donc il est décalé et maladroit, ah vous voyez un bout du métro aérien, c'est marrant! p.30

    VÉRONIQUE. Annette, gardons notre calme. Michel et moi nous efforçons d’être conciliants, et modérés...
    ANNETTE. Pas si modérés.
    VÉRONIQUE. Ah bon ? Pourquoi ?
    ANNETTE. Modérés en surface.
    ALAIN. Toutou, il faut vraiment que j’y aille.
    ANNETTE. Sois lâche, cas-y.
    ALAIN. Annette, en ce moment je risque mon plus gros client, alors ces pinailleries de parents responsables...
    VÉRONIQUE. Mon fils a perdu deux dents. Deux incisives.
    ALAIN. Oui, oui, on va finir par le savoir.
    VÉRONIQUE. Dont une définitivement.
    ALAIN. Il en aura d’autres, on va lui en mettre d’autres ! Des mieux ! On lui a pas crevé le tympan !
    ANNETTE. Nous avons tort de ne pas considérer l’origine du problème.
    VÉRONIQUE. Il n’y a pas d’origine. Il y a un enfant de onze ans qui frappe. Avec un bâton.
    ALAIN. Armé d’un bâton.
    MICHEL. Nous avons retiré ce mot.
    ALAIN. Vous l’avez retiré parce que nous avons émis une objection.
    MICHEL. Nous l’avons retiré sans discuter.
    ALAIN. Un mot qui exclut délibérément l’erreur, la maladresse, qui exclut l’enfance.
    VÉRONIQUE. Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter ce ton.
    ALAIN. Nous avons du mal à nous accorder vous et moi, depuis le début.
    VÉRONIQUE. Monsieur, il n’y a rien de plus odieux que de s’entendre reprocher ce qu’on a soi-même considéré comme une erreur. Le mot « armé » ne convenait pas, nous l’avons changé. Cependant, si on s’en tient à la stricte définition du mot, son usage n’est pas abusif.
    ANNETTE. Ferdinand s’est fait insulter et il a réagi. Si on m’attaque, je me défends surtout si je suis seule face à une bande.
    MICHEL. Ça vous a requinquée de dégobiller.
    ANNETTE. Vous mesurez la grossièreté de cette phrase.
    MICHEL. Nous sommes des gens de bonne volonté. Tous les quatre, j’en suis sûr. Pourquoi se laisser déborder par des irritations, des crispations inutiles ?
    VÉRONIQUE. Oh Michel, ça suffit ! Cessons de vouloir temporiser. Puisque nous sommes modérés en surface, ne le soyons plus !
    MICHEL. Non, non, je refuse de me laisser entraîner sur cette pente.
    ALAIN. Quelle pente ?
    MICHEL. La pente lamentable où ces deux petits cons nous ont mis ! Voila !
    (pp. 43-45)

     

     

    Film Carnage, réalisé par Roman Polanski en 2011 avec Jodie Foster


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  • Paris, mille vies

    Guidé par une ombre errante, l'écrivain-narrateur déambule de nuit dans un Paris étrangement vide, se remémorant des scènes proches ou lointaines, des existences anonymes ou fameuses, des personnalités tutélaires (Villon, Hugo, Artaud...).
    Mille vies l'ont précédé dans cette ville qui l'a vu naître et mettre au monde lui-même tant de personnages. Un récit sur la présence des absents, qui mêle l'autofiction au fantastique pour esquisser un art poétique.

    -->

    Je ne sais pas depuis combien de temps cette nuit m'attendait. Je suis sorti de la gare Montparnasse. Tout semblait normal. Les gens allaient, venaient, se croisaient avec indifférence. La ville était encore bruyante et peuplée. J'étais heureux de retrouver Paris. La lumière de juillet était douce. Le soleil venait de passer sous la ligne des toits et embrassait le haut des immeubles d'une dernière lueur chaude et rasante. J'ai laissé toute cette vie m'envahir et j'ai avancé. Je pensais encore, à cet instant, pouvoir me fondre dans la foule. p.9 (Incipit)


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  • L'épidémie

    Le politicien Johan Svärd a pris le pouvoir grâce à une victoire électorale historique. Sa promesse de campagne : éradiquer l'obésité. Le jeune chercheur Landon Thomson-Jaeger voit alors sa copine tomber petit à petit dans l'anorexie, et les églises se transformer une à une en centres de santé. C'est en essayant d'échapper à la propagande qu'il rencontre Helena, qui vient de perdre son emploi car les infirmières ayant de l'embonpoint ont, selon le Parti, une influence néfaste sur les patients.
    Le Parti de la Santé est prêt à tout pour faire disparaître l'obésité. D'ailleurs, où sont passés les obèses ? Quand Helena disparaît à son tour, Landon part à sa recherche et fait sur son chemin des découvertes qui font froid dans le dos... que se passe-t-il dans les "camps pour obèses" du Parti, et jusqu'où iront les contrôles ? Le climat social est rude et la menace pèse...

    --> L'épidémie contre laquelle il faut lutter, c'est l'obésité. Un sujet bien peu abordé dans nos fictions contemporaines et pourtant au coeur de problématiques sociétales. C'est la force de cette dystopie effrayante. L'IMGM a remplacé l'IMC. Le gouvernement au pouvoir a décidé des mettre les moyens (sic) pour éradiquer ce fléau (ce mal du siècle a écrit Daniel Rigaud) et rendre la population suédoise la plus fine du monde.
    Pas de témoignage dans cette fiction qui s'inspire malheureusement bien du réel. Le regard sur des gens coûteux pour le gouvernement, l'ambition d'un peuple en bonne santé et la reproduction de méthodes éprouvées. Un livre au suspens bien entretenu. C'est glaçant... et pas vraiment réaliste: encore heureux.

    Ce qui manquait, c'étaient les motifs. Des motifs rationnels. Pourquoi l'hystérie autour de l'obésité était-elle arrivée si vite? Pourquoi les personnes obèses étaient-elles si difficiles à gérer pour une société civilisée? Lorsque Johan Svärd était monté à la tribune la première fois, le peuple suédois avait poussé un soupir collectif de soulagement. Enfin quelqu'un qui disait haut et fort ce que tout le monde pensait. p.101

    Gloria balaya la foule du regard. C'était le résultat de quatre années avec Johan Svärd au gouvernement. Une arène bourrée de gens dont l'estime de soi avait été brisée. Des milliers de suédois qui valaient bien plus que leurs mensurations. Aujourd'hui ils étaient là, le dos courbé, à porter leur propre poids sur leurs épaules. C'était incroyable que tant de gens comme elle avait osé venir. Ils devaient pourtant craindre la même chose qu'elle. Être ridiculisés et humiliés.
    Il n'y avait pas d'autre explication. Ils espéraient toujours. p.148

    - Oh..., hésita Gloria. Je ne crois pas que l'explication se trouve dans l'absence de religion. Je comprends que vous, en tant que pasteur...Enfin, les gens ne se mettent pas à haïr les gros simplement parce qu'ils arrêtent d'aller à l'église.
    - Détrompez-vous. Dans une société où l'autorité est absente, on saisit ce qu'on a de plus proche. Ce qui signifie...son corps, dit Valdemar en se tapant sur le ventre. La seule chose que nous puissions contrôler. Et la seule chose pour laquelle il existe des règles. Surtout depuis que les gens, comme vous dites, ont arrêté d'aller à l'église. Pourquoi croyez vous qu'il existe des prescriptions alimentaires dans toutes les cultures religieuses? Et des tirades à réciter? Des psalmodies qu'il faut sans cesse répéter?
    - C'est le besoin de l'être humain d'avoir des règles. p.163

     


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  • Ainsi parlait ma mère

    « Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l'Université catholique de Louvain. Qui n'a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas. La Peau de chagrin, de Balzac, c'est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu'à en effacer l'encre par endroits. Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d'autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas. Je n'ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même. Mais c'est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d'être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils. »

    --> Ce petit livre est d'une grande richesse. Il est brut, franc, sincère. Il est hommage à la mère. L'humilité, la dépendance, la fracture des classes, le statut de femme, l'immigration de deuxième génération...Autant de sujets effleurés qui nous traversent (tous?) l'esprit. C'est rapide... et puissant.

    INCIPIT
    Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l’Université catholique de Louvain. Qui n’a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas. La Peau de chagrin, de Balzac, c’est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu’à en effacer l’encre par endroits. Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d’autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même. Mais c’est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d’être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils.
    Une lecture qui lui est aussi devenue indispensable le soir, avant de s’endormir. Elle se cale en chien de fusil contre son oreiller, ferme les yeux. Comme un enfant qui sait, pour l’avoir entendu des dizaines de fois, qu’un conte va l’émerveiller ou l’épouvanter. La Peau de chagrin, j’ai dû le lui lire moi-même déjà deux cents fois. Elle l’a découvert sur une cassette audio que j’avais empruntée à la bibliothèque il y a bien vingt-cinq ans. Je me suis attaché à une époque à lui faire découvrir des trésors de la littérature par ce biais. Des cassettes ordinairement destinées aux aveugles et aux malvoyants. Parmi les dizaines écoutées, celle-ci a eu, de loin, sa préférence. Tout de suite. À peine rendue à la bibliothèque, elle m’a demandé de la lui acheter. Puis de le lui lire régulièrement. Pour soulager un peu mon temps et inquiet de sa fascination pour cette seule œuvre, je lui ai trouvé d’autres supports. J’ai d’abord acheté des cassettes vidéo puis des DVD des versions de l’ouvrage en drame lyrique, en opéra, en ballet, en adaptations diverses et variées au cinéma et à la télévision. Mais rien n’a trouvé suffisamment grâce à ses yeux pour qu’elle puisse se passer de ma lecture.
    En mon absence, ma mère revenait inlassablement à la cassette audio dont j’avais déjà racheté plusieurs exemplaires, tant elles s’usaient rapidement par l’écoute systématique – j’en avais fait faire des copies mais elles se révélaient trop rapidement inaudibles. Et puis, un jour, je n’en ai plus retrouvé. On avait cessé d’en vendre. J’ai fait les brocantes dans l’espoir d’en voir ressurgir une. Sans succès. J’ai même menti à la bibliothèque, leur faisant croire que j’avais perdu leur exemplaire. Mais cette cassette-là aussi a fini par rendre l’âme à son tour. Alors je me suis astreint pour elle à cette lecture quotidienne. J’ai bien essayé d’enregistrer moi-même le texte, mais j’ai vite compris que ma mère n’y trouvait pas son compte. J’ai payé un comédien pour l’enregistrer dans un studio numérique. La manipulation informatique étant totalement étrangère à ma mère, je l’ai fait transférer sur une cassette audio. Cette version n’a pas davantage eu sa bénédiction. Elle ne supportait que la cassette qui lui avait fait découvrir le livre ou ma lecture de vive voix.
    Et puis ma mère a soudain vieilli plus vite. Oubliant un jour le gaz allumé. Une autre fois se laissant vendre trois aspirateurs aux pouvoirs miraculeux dans la même semaine. D’autres fois encore chutant lourdement au sol sans arriver à se relever. Seul célibataire de la fratrie, il y a quinze ans j’ai tracé une croix définitive sur tout projet de vie de couple et j’ai emménagé chez ma mère, dans le petit deux pièces de Schaerbeek où j’ai vu le jour il y a cinquante-quatre ans. Mes quatre frères, bien plus âgés, s’étaient depuis longtemps installés dans d’autres régions. Ils ont tous une vie de famille et des petits-enfants. J’habite donc avec elle depuis qu’elle a soixante-dix-huit ans et qu’elle ne peut plus vivre seule.
    Depuis quinze ans, je la soigne, je la change, je la lave, je l’habille. J’assure, plusieurs fois par jour, sa « toilette intime ». Une expression bien neutre pour qualifier un acte que je n’aurais jamais imaginé faire lorsque, il y a cinquante-quatre ans, ma tête hurlante et sanguinolente débouchait de cette même « intimité » pour son premier contact avec l’air libre.
    Dans ces moments-là, ma mère prend ma main. Elle sourit tristement. Nous sommes tous les deux gênés et en même temps heureux. Curieux sentiment. En dehors des personnels soignants qui se succèdent à son chevet durant la semaine, je suis le seul dont elle accepte cette toilette, sans doute humiliante mais dont elle sait la nécessité. p.7

    Je n'ai jamais eu le sentiment que ses lectures aient influencé d'une quelconque façon sa vie. Qui ressemblait à celle de tout autre travailleur immigré de l'époque. Mais nous avions la lecture en partage sans jamais échanger quoi que ce soit à ce sujet. Il ne s'intéressait pas à ce que je lisais. Je ne comprends même pas comment il a pu s'intéresser à ce qu'il lisait. Ma culture scolaire naissante développait chez moi un inconscient mais bien réel mépris de classe. Qui me souille encore aujourd'hui et dont j'ai définitivement honte. p.15

    Plus tard, dans mes tripes et dans ma tête, le nom des Neuwenn incarnera tout ce que la violence de classe peut avoir de plus abject. La cruauté des puissants à l'égard des démunis. Qui s'exprime sans délicatesse dans des systèmes que l'on dit sociaux. Qui broie des vies comme on souffle une bougie. Avec la bonne conscience d'avoir fait par charité ce que d'autres réclament par justice. Ou avec le sentiment amer d'avoir dépensé en pure perte énergie, temps et argent. p.43

    Au bout du compte, c'est bien la confiance naïve que ma mère me témoignait qui m'a poussé à devenir meilleur. Pour en être digne. Face à une telle sincérité et à une telle innocence, on ne peut ni mentir ni tricher. Je lui dois cette leçon. p.46

    Et moi je me suis enduit d'une couche supplémentaire de honte. Je m'occupe certes de ma mère - on me loue souvent pour ça. Mais me suis-je jamais vraiment intéressé à elle? Je veille à ce qu'elle ne manque de rien par devoir. Je l'aime sincèrement. Mais la fracture culturelle que l'école a établie entre mes frères et elle d'un côté et moi de l'autre me semble définitivement insurmontable. Les transfuges de classe ont toujours le cul entre deux chaises. Ce n'est pas la position physique qui fait mal mais la douleur muette qui vous donne ce sentiment ineffaçable d'être un traître à votre propre famille. A celles et ceux qui vous sont le plus chers. Et qu'inconsciemment et patiemment vous avez appris à mépriser. p.53

    Ne parlons même pas d'imaginer sa mère ayant du désir... c'est un tabou total. Penser qu'elle aurait eu le moindre plaisir à faire un enfant avec votre père: Impensable. Au sens premier du terme. Le cerveau s'y refuse. Les images ne viennent pas. Pas plus que les paroles. Les émotions. Les respirations courtes. La transpiration. Les sécrétions. La jouissance. Impensable. Définitivement impensable. Pourtant elle a dû être femme, ma mère. Pas seulement maman. Pas seulement épouse passive victime d'un devoir conjugal. Une femme. p.55


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