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Le soleil des Scorta
de Laurent Gaudé
Lorsque commence le récit, Luciano Mascalzone, un traîne-savate vivant de petites rapines, revient après quinze années de prison à Montepuccio, un village des Pouilles aux façades sales où les heures passent dans une fournaise qui abolit les couleurs. Autour, ce ne sont que collines et mer enchevêtrées. « Il m'a fallu du temps mais je reviens. Je suis là. Vous ne le savez pas encore puisque vous dormez. Je longe la façade de vos maisons. Je passe sous vos fenêtres. Vous ne vous doutez de rien. Je suis là et je viens chercher mon dû. » Son dû, c'est Filomena Biscotti, une femme qu'il désire depuis qu'il l'a rencontrée et dont le souvenir n'a cessé de le hanter. Ce que Luciano ignore, c'est que celle qui lui ouvre sa porte et qui se laisse dépuceler est la sœur cadette de celle qu'il convoitait, Immacolata. Battu à mort par les villageois, il meurt dans le dégoût du monde. Immacolata donne naissance à un fils. C'est ainsi que naît la lignée des Mascalzone, qui portera le nom de Scorta : d'une erreur, d'un malentendu. « D'un homme qui s'était trompé. Et d'une femme qui avait consenti à ce mensonge parce que le désir lui faisait claquer les genoux. »
Avec une imagination qui semble avoir atteint son apogée, inondée de fraîcheur et poussée par la musicalité d'un style irréprochable, Laurent Gaudé raconte l'existence des Scorta de 1870 à nos jours. Chronique d'une famille qui vivra certes pauvrement, mais dans l'éternel désir « de manger le ciel et de boire les étoiles », Le Soleil des Scorta est une fresque vivante et volcanique.--> J'ai envie d'écrire "éblouissant" comme le soleil estival de Montepuccio, mais aussi "étouffant" comme la destinée auquelle on a l'impression de ne pas échapper, ou "entrainant" comme ce récit d'une saga familiale qu'on n'a pas envie de quitter. ça sent l'Italie à plein nez. Ce récit nous interroge sur nos origines, nos destinées, la famille, nos racines. Notre héritage subit et l'importance de construire par soi-même nos vies, le rôle des secrets de famille confiés avant de mourir et l'inéluctable fin qui nous attend tous. C'est un roman riche que je vais avoir plaisir à recommander.
- Nous n'avons été ni meilleurs ni pires que les autres, Elia. Nous avons essayé. C'est tout. De toutes nos forces, nous avons essayé. Chaque génération essaie. Construire quelque chose. Consolider ce que l'on possède. Ou l'agrandir. Prendre soin des siens. Chacun essaye de faire au mieux. Il n'y a rien à faure d'autre que d'essayer. Mais il ne faut rien attendre de la fin de la course. Tu sais ce qu'il y a, à la fin de a course? La vieillesse. Rien d'autre. Alors écoute, Elia, écoute ton vieil oncle Faelucc' qui ne sait rien de rien et n'a pas fait d'études. Il faut profiter de la sueur. C'est ce que je dis, moi. Car ce sont les plus beaux moments de la vie. Quand tu te bats pour quelque chose, quand tu travailles jour et nuit comme un damné et que tu n'as plus le temps de voir ta femmes et tes enfants, quand tu sues pour construire ce que tu désires, tu vis les plus beuax moments de ta vie. Crois-moi. Rien ne valait pour ta mère, tes oncles et moi les années où nous n'avions rien, pas un sou en poche, et où nous nous sommes battus pour le bureau de tabac. C'étaient des années dures. Mais pour chacun d'entre nous, ce furent les plus beaux instants de notre vie. Tout à construire et un appétit de lion. Il faut profiter de la suer, Elia. Souviens-toi de cela. Après, tout finit si vite, crois-moi.
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