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Le restaurant de l'amour retrouvé
de Ogawa Ito
Une jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière.
Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies.
Un livre lumineux sur le partage et le don, à savourer comme la cuisine de la jeune Rinco, dont l’épice secrète est l’amour.→ Il est question de saveurs, de couleurs, d'odeurs, de temps... mais il est aussi question d'amour, d'émerveillement, de filiation. Le récit est empreint d'une grande délicatesse, il est frais.... c'est un bijou, jusqu'aux deux tiers. Rinco semble réussir à s'affranchir d'une filiation douloureuse et d'un chagrin d'amour pas moins douloureux : l'histoire est concentrée sur la réussite de son restaurant et c'est un pur bonheur de lire sa cuisine. Et puis l'histoire de sa mère et la réalité de la maladie et de la mort la rattrape. Mais « personne ne doit mourir en vain » se rappelle-t-elle lorsqu'un pigeon vient s'écraser sur un carreau. Je m'arrête là, l'histoire étant déjà très dévoilée. Un petit coup de cœur.
Extraits:
p: 37
[…] j'ai soigneusement lavé les raisins sauvages cueillis dans la matinée et je les ai mis à cuire pour préparer du vinaigre balsamique. Dans douze ans, il serait prêt. Quelle saveur aurait-il?Les yeux clos, j'ai essayé de l'imaginer.
P:38
De la paume de mes mains fraîchement lavées, j'ai délicatement effleuré les aliments. Puis, comme on berce une vie nouvelle à peine éclose, un par un, je les ai pris entre mes mains, les ai portés jusqu'à mon visage et, les yeux clos, j'ai parlé avec eux pendant quelques secondes.
"Si tu cuisines en étant triste ou énervée, le goût ou la présentation en pâtissent forcément. Quand tu prépares à manger, pense toujours à quelque chose d'agréable, il faut cuisiner dans la joie et la sérénité. "
P: 115
Mes souvenirs les plus chers, je les range bien à l'abri dans mon cœur, et je ferme la porte à clé. Pour que personne ne me les vole. Pour les empêcher de se faner à la lumière du soleil. Pour éviter que les intempéries ne les abîment.
P:121
Le début de l'été s'annonçait et l'Escargot était toujours fermé, seul le temps s'écoulait vaguement, passant au-dessus de moi, imperturbable.
Et puis, je ne faisais plus de vrais repas.
Je ne voulais plus voir de sang, ni en manger.
Je me nourrissais de préférence d'aliments sans vie.
Mon corps avait bizarrement maigri, ma peau était rugueuse.
Mais je m'en fichais.
La plupart des mes repas se composaient de plats tout prêts, certains jours, il m'arrivait même de manger des nouilles instantanées matin, midi et soir.
Du coup j'étais passée experte dans l'art de cuisiner ce genre de plats. A tel point que j'aurais pu, sans mentir, me présenter comme « spécialiste en plats tout prêts ». Dans les placards de cuisine de ma mère, il restait encore des montagnes de paquets de nouilles instantanées à la date de péremption dépassée.
Les plats préparés, dénués de tout lien affectif ou émotif, étaient, dans mon état d'hyperémotivité, la meilleure des nourriture.
Ma mère aussi s'était peut-être nourrie presque exclusivement de plats tout prêts pour ne rien ressentir, ne rien penser.
Page 121
Un repas c'est parce que quelqu'un d'autre le prépare pour vous avec amour qu'il nourrit l'âme et le corps.
Mais aussi:
L’amour n’a pas besoin d’artifices, alors j’ai simplement ajouté une pincée de sel.
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