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L'empreinte de l'ange
de Nancy Huston
"Ch. b. à tt f. pour petit ménage, logée, sach. cuisiner." Saffie a vingt ans. Elle est allemande. À peine arrivée à Paris, elle répond à l'annonce du jeune musicien, Raphaël. Celui-là même qui lui ouvre la porte et qui reste médusé devant ces yeux de silence et cette présence-absence de la jeune femme. Amoureux, oui, déjà. Il lui propose le mariage quelques semaines plus tard. Elle accepte comme elle le fait de tout le reste : passivement. Son mutisme sec, pierreux, ne s'ébranle pas même à la naissance de leur fils. Il faut attendre LA rencontre, avec András, le luthier. Lui sait dialoguer avec le silence. En elle alors tombe la peur, comme une pluie ; se lève l'amour, comme le soleil... et fond le secret.
Nancy Huston aime ses personnages. C'est pour cela sans doute que dès les premières lignes, on s'y attache avec une telle force. Comme dans Trois fois septembre (1989) ou La Virevolte (1994), elle rend admirablement dans L'Empreinte de l'ange (Grand Prix des Lectrices de Elle en 1998), et sans jamais juger, les passions, parfois dévastatrices, des êtres authentiques. --Laure Anciel --Ce texte fait référence à lédition Poche .Quatrième de couverture
Paris, 1957. Saffie, vingt ans, arrive d'Allemagne. Rien ne semble lui donner l'envie de profiter de la vie. Elle s'éveille pourtant lorsqu'elle rencontre András, un juif hongrois émigré lui aussi. Ensemble, ils font face aux souvenirs, aux traumatismes que la guerre leur a fait subir à l'un comme à l'autre. Ce roman questionne l'Histoire, celle du passé, celle à venir, qui en découle. Il montre comment elle imprègne nos vies, sans distinction, sans récompense, et nous pousse subrepticement à toujours rester sur nos gardes.
--> Bouleversante histoire construite par la féministe Nancy Huston. et ancrée à Paris entre 1957 et 1962, il y est question de migrants, d'Algérie, du génocide juif et surtout d'amour et de passion. J'ai été happée par les histoires de Saffie, Andras, Raphaël et Emil. Héritiers de leur histoire, chaque personnage suit sa propre logique, et on peut y croire. Comment vaincre ses peurs, sont-elles vaincues définitivement? On ne peut ignorer son passé. Qu'offre la passion? Cela peut-il durer?
CITATIONS:
- Dans chaque histoire d'amour fou il y a un tournant ; cela peut venir plus ou moins vite mais en général cela vient assez vite ; la plupart des couples ratent le tournant, dérapent, font un tonneau et vont s'écrabouiller contre le mur, les quatre roues en l'air.
La raison en est simple : contrairement à ce qu'on avait cru pendant les premières heures, les premiers jours, tout au plus les premiers mois de l'enchantement, l'autre ne vous a pas métamorphosé. Le mur contre lequel on s'écrase après le tournant, c'est le mur de soi. Soi-même : aussi méchant, mesquin et médiocre qu'auparavant. La guérison magique n'a pas eu lieu. Les plaies sont toujours là, les cauchemars recommencent. Et l'on en veut à l'autre de ce qu'on n'ait pas été refait à neuf ; de ce que l'amour n'ait pas résolu tous les problèmes de l'existence ; de ce que l'on ne se trouve pas en fin de compte au Paradis, mais bel et bien, comme d'habitude, sur Terre.- Faut-il le lui dire? Après tout, se dit Andras, je pourrais m'inventer une autre autobiographie. Les compatriotes de Saffie n'auraient pas gazé les miens. Je n'aurais jamais eu de tantes ni d'oncles ne de grands-parents, chacun avec sa forme du nez, sa courbe du cou, sa couleur des yeux, ses rides de rire, les balles dans la nuque, le visage broyé sous des bottes... Je ne serais même pas d'origine hongroise, je ne m'appellerais pas Andras... Pourquoi lui dire ces choses là plutôt que d'autres? Sous prétexte qu'elles sont vraies? En quoi, au fond, cette vérité la concerne-t-elle? De quelles vérités se doit-on d'être au courant, et lesquelles peut-on se permettre d'ignorer? Puis-je me foutre de ce qui s'est passé ce matin, mais à l'autre bout du monde - ou alors ici même, mais en l'an mille? Saffie connaît-elle seulement le nom de Hiroshima? De quoi, se demande Andras, toujours dans la même fraction de seconde, a-t-on le droit de se foutre?
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