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L'été circulaire
BLOODY FLEURY # 2
Marion Brunet
Fuir leur petite ville du Midi, ses lotissements, son quotidien morne : Jo et Céline, deux soeurs de quinze et seize ans, errent entre fêtes foraines, centres commerciaux et descentes nocturnes dans les piscines des villas cossues de la région. Trop jeunes pour renoncer à leurs rêves et suivre le chemin des parents qui triment pour payer les traites de leur pavillon.Mais, le temps d'un été, Céline se retrouve au coeur d'un drame qui fait voler en éclats la famille et libère la rage sourde d'un père impatient d'en découdre avec le premier venu, surtout s'il n'est pas « comme eux ».L'été circulaire est un roman âpre et sombre, portrait implacable des « petits Blancs », ces communautés périurbaines renfermées sur elles-mêmes et apeurées. L'écriture acérée, la narration tendue imposent d'emblée le talent de Marion Brunet.
-->Le récit débute comme une chronique sociale violente et cinglante. Céline et Jo, les deux sœurs ont 16 et 15 ans. La première tombe enceinte. Allumeuse, aguicheuse, baiseuse, dans cet état, cet été, il n'est plus question de continuer la même vie. Elle ira chaque jour chez ses grands parents. L'enjeu pour ses parents, Séverine (Cantinière) et Manuel (maçon espagnol), c'est de connaître le père. Séverine était à peine plus âgée que Céline pour sa première grossesse, mais au moins le père l'a assumée. Jo et ses yeux vairons n'a pas l'audace de sa sœur, ce qui l'intéresse cet été c'est le festival d'Avignon, ses théâtres, et Saïd, son copain de toujours qui pourrait être son petit ami. Ses parents ne voient pas ça d'un bon œil : il est arabe, et il se paye une voiture flambant neuve avec son petit boulot. Sûr qu'il trafique... (entre autre avec le père!). Voilà que pointe déjà la moiti du roman. On accroche à l'histoire dès le début, la narration est crue, comme le monde qui est décrit. C'est alors que le meurtre a lieu, un peu attendu. Mais pas plus de suspens ni d'enquête que ça. On reste dans le roman, noir. Mais pas vraiment le polar. Le roman noir. Et seul le lecteur connaîtra le père.
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Céline à toujours aimé ça, reine de la fête, adulée des garçons – toutes bandes confondues. Même quand elle était plus jeune, il y avait des coins d’ombre où se laisser glisser contre le corps d’un petit ami, jouer à ne pas aller plus loin mais s’arrêter tout au bord. Eux rêvaient de ses doigts aux ongles roses sur leur petit pénis dressé ; elle serrait amoureusement de grosses peluches gagnées à la carabine en espérant des mots d’amour. Et s’il fallait se laisser tâter maladroitement les seins pour obtenir de pauvres Je t’aime balbutiants et autres dérivés sans imagination, elle était prête.
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Manuel lève la tête et tend son regard vers les murs. Endetté jusqu’au cou mais propriétaire de sa maison en carton-pâte, de sa maison au crépi rose dans le lotissement social construit par une mairie vaguement socialiste, dans les années 80. Seulement il doit encore tellement de fric à son beau-père que c’est pas vraiment comme si elle était à lui. C’est plutôt comme si elle était à sa femme, la maison. Quant il y pense un peu trop, il a l’impression qu’on lui a coupé les couilles à la faucille. Et maintenant sa fille [enceinte à 16 ans], comme s’il était incapable de la surveiller. Au grand jeu de la vie, lui non plus n’a pas écrit les règles. Le problème, c’est qu’il pensait le contraire.
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