• Le joueur d'échecs

    Le joueur d'échecs

    Stefan Zweig

    Czentowic, champion d'échecs arrogant, esprit borné à outrance, inculte et étonnamment stupide, occupe le premier plan jusqu'à l'entrée en scène de Monsieur B. Dès lors que cet aristocrate autrichien s'intéresse à la partie livrée entre le champion et les passagers amateurs, la direction du texte bascule.

    Par un effet de symétrie, la narration se transforme en un face à face tendu entre un esprit brillant et rapide à l'intelligence abstraite et un cerveau au pragmatisme brutal, incapable de projection véritable. Mise en scène percutante de la résurrection de la folie, cette nouvelle oscille entre ouverture et enfermement.

    Dans cette avancée implacable de la stupidité destructrice, allégorie de la victoire du nazisme mais aussi chef-d’œuvre de composition, Zweig s'intéresse peu à la survie du corps, préférant montrer les réactions de l'esprit, qui trouve un symbole parfait dans ce jeu éminemment intelligent mais désespérément stérile.

    Publié en 1943, un an après le suicide de son auteur, Le Joueur d'échecs fait figure de testament dans l’œuvre de Zweig.

    --> Comment être passé à côté de ce court roman, cette petite nouvelle aussi longtemps? A lire, sans aucun doute. Pour la nouvelle elle-même et l'auteur, auteur qui se suicide en 1942, en exil, dénonçant une Europe meurtrissante.

    Le récit se déroule en croisière, sur un paquebot qui relie NY au Brésil. A bord, Mirko le champion du monde d'échec, issu d'un petit milieu, son histoire est dressé dès le début, il est devenu maître à ce jeu sans savoir lire, c'est un personnage arrogant. Un groupe de passagers le défie, mené par Mc Connor. La psychologie de ce personnage est intéressante, mais ce n'est rien par rapport au personnage que nous allons ensuite découvrir en la personnalité de M. B. : il passe par là, voit la partie en cours et s'en mêle. Sans prétention, il s'avère être redoutable et met le champion en difficulté. Le narrateur va retrouver ce M.B. pour comprendre qui il est et d'où lui vient cette maîtrise du jeu d'échecs et la seconde moitié du livre nous décrit comment M.B., détenu par la gestapo allemande meurt d'ennui et de folie dans une cellule jusqu'à ce qu'il subtilise un livre. Un livre! Voilà qui va pouvoir le sortir de l'ennui de sa cellule. Le livre dérobé s'avère être un manuel d'échec avec la description des grandes parties. M.B. va apprendre seul à jouer, seul il va construire un échiquier imaginaire (au départ avec de la mie de pain et un quadrillage imaginé sur sa couverture). Avec la force de la mobilisation de son imagination il jouera et rejouera les grandes parties du manuel, les connaitra par coeur. Il en créera de nouvelles, jouant les deux adversaires, virant à des situations schizophréniques. On comprend trop bien comment ce manuel d'échec constitue à la fois une libération et une prison pour son esprit. C'est fascinant.


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