• La démesure

     

     La démesure

    ... soumise à la violence d'un père

    de Céline Raphaël

    "Céline est privée de nourriture, battue des années durant, enfermée. Elle craint chaque week-end pour sa vie, travaille, travaille encore, pour briller et jouer les pianistes prodiges en gardant le secret sur l’horreur de sa vie familiale. Et autour d’elle, un silence assourdissant. Comment suspecter l’horreur de la servitude sous les atours de l’excellence ? L’exigence absolue de la perfection qui devient justification de tous les excès et de tous les abus et qui mystifie l’entourage d’autant plus facilement que cette esclave n’est pas affectée à une tâche de souillon mais à une production artistique réservée aux élites ?"  Daniel Rousseau.

    --> Un roman témoignage, probablement réparateur pour son auteure, mais pas seulement. Elle veut aussi sensibiliser. Mais pas seulement. Elle montre, sans théorie superflue des mécanismes qui se sont mis en place chez elle, chez son père. Elle témoigne aussi des lieux traversés pendant son placement. L'anorexie est aussi au coeur du roman. Ca glace parfois le sang, pourtant ce n'est jamais larmoyant. Et quel titre! Il est parfaitement adapté, comme chaque mot de la narration.

    Citations:

    - Dès que nous sommes arrivés à la maison, il m'a jetée par terre sur le carrelage de l'entrée. J'étais sur le ventre. D'une main, il m'a maintenu la tête contre le sol, de l'autre, il m'a mis les deux mains dans le dos et a appuyé son genou contre mon dos. Il m'écrasait. J'étais à moitié consciente. Je savais que maman et Marie l'imploraient de me laisser tranquille, mais je ne réagissais plus. Au bout de quelques minutes, il me demanda si j'étais calmée et prête à travailler sérieusement. Sans attendre ma réponse, il m'a lâchée et nous sommes retournés dans la salle de jeu pour travailler.

    - Aujourd'hui, j'ai renoué avec cet instrument.
    Pour moi. Parce que je me suis rendu compte qu'il a le pouvoir de rendre les gens heureux, le temps d'un morceau.

    - Un soir, peu après mon dixième anniversaire, alors que j'avais reçu de nombreux coups et que je n'avais pas eu le droit de dîner, mon père a décidé que je n'irai pas me coucher sans une dernière punition. Il m'a emmenée dans la cuisine et m'a fait asseoir à table. Il a ensuite pris une assiette et y a mélangé de l'omelette froide, un yaourt, du pain, de l'eau et de la salade.
    "Tu ne sortiras de table que lorsque tu auras tout fini. Tout. Y compris la sauce."
    J'ai alors osé me tourner vers lui, entre bravade et désespoir. Je lui ai demandé, en larmes, ce que je lui avais fait pour mériter de souffrir comme il me faisait souffrir. Même Haydn, notre berger allemand, était mieux traité que moi. Mon père m'a répondu froidement, en me regardant droit dans les yeux :
    "Tu es pire qu'un chien."

    Ces mots irrémédiables ont marqué ma chair jusqu'au sang. Je ne les oublierai jamais. J'ai beaucoup de mal à m'en défaire.

    - " J'avais beaucoup de mal à gérer l'enfermement. Je faisais des crises d'angoisse violentes tant je me sentais seule et perdue. Aujourd'hui encore, j'ai des difficultés avec la contrainte de temps et d'espace à laquelle nous devons tous nous soumettre. "

    "« Tu es pire qu’un chien. »
    Ces mots irrémédiables ont marqué ma chair jusqu’au sang. Je ne les oublierai jamais. J’ai beaucoup de mal à m’en défaire."

    " Pour la première fois de ma vie, je n'avais plus peur de mourir seule pendant le week-end. Pour la première fois de ma vie, je savais que si je n'étais pas au lycée le lundi matin, quelqu'un s'apercevrait de mon absence et appellerait les secours. "

    " «[...]Je suis perplexe. Tu as attendu quatorze ans pour parler? Tu ne pouvais pas te rebeller avant si c'était si terrible que cela chez toi?»
    Le ton était donné. Comme d'autres, elle ne me croyait pas et avait sans doute été séduite par les beaux discours de mon père. Mes parents étaient visiblement trop bien habillés pour avoir osé maltraiter leur fille. "

    " Ces adultes ignorent le courage qu'il faut pour se libérer d'un asservissement, encore plus quand cet état est imposé par ceux-là mêmes qui doivent être des protecteurs. Pour l'enfant, en prendre conscience et le dénoncer nécessitent une maturité exceptionnelle ou une détresse extrême. "

     


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