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Mamie Luger
Benoit Philippon
Six heures du matin, Berthe, cent deux ans, canarde l’escouade de flics qui a pris d’assaut sa chaumière auvergnate. Huit heures, l’inspecteur Ventura entame la garde à vue la plus ahurissante de sa carrière. La grand-mère au Luger passe aux aveux et le récit de sa vie est un feu d’artifice. Il y est question de meurtriers en cavale, de veuve noire et de nazi enterré dans sa cave.
Alors aveux, confession ou règlement de comptes ? Ventura ne sait pas à quel jeu de dupes joue la vieille édentée, mais il sent qu’il va falloir creuser. Et pas qu’un peu.--> Benoit Philippon a l'art de placer l'argot là on ne l'attend pas (chez une vieille de 102 ans) tout en ponctuant son récit de mots précis et bien choisis. Berthe passe aux aveux au commissariat face à Ventura, inspecteur au basset... c'est bourré d'humour. Et l'humour on en a bien besoin pour raconter la vie de Berthe, assassine en série!
Citations:
– Donc quand vous avez tiré sur de Gore, vous saviez qu’il ne s’agissait pas de Gitans ?
– P’t’être bien que oui.
– Vous pouvez expliquer votre geste ?
– J’l’ai jamais aimé, lui.
– Ça ne justifie pas de lui tirer dessus.
– Qui m’empêche ?
– La loi, Berthe. La loi, dit l’inspecteur flegmatique.
– Dis donc, tu commences à m’casser les pieds, avec ta loi ! explose la grand-mère. On n’est donc plus libre de rien, dans c’pays ? J’croyais qu’y avait écrit « Liberté, Égalité, Fraternité » sous not’ drapeau. J’vois pas d’liberté, là, j’vois des menottes, l’égalité, vous m’faites bien rigoler, en tant qu’femme depuis un siècle, j’ai bien vu qu’on nous roulait dans la farine, et la fraternité, viens pas m’chatouiller avec ça. J’ai pas gardé un Luger dans ma commode par hasard !– Si tu les trouves trop longues, mes réponses, j’rentre chez moi écouter mon jeu à la radio.
– Je crains que votre jeu ne soit terminé.
– Ah, c’est malin ! Et pourquoi qu’tu veux savoir tout ça, d’abord ? s’agace la grand-mère.
– C’est le protocole.
– J’en ai rien à foutre, moi, que t’aies mal au trou d’balle.
– Je vous demande pardon ? s’étrangle Ventura.
– C’est toi qui m’parles de ton proctologue.
– Protocole, Berthe.
Rire étouffé de Pujol. Ventura lui suggère d’un regard réprobateur de se concentrer plutôt sur son correcteur d’orthographe.
– J’t’avais dit qu’j’étais sourde comme un pot. Et sénile. J’espère que t’as pas prévu d’prendre tes RTT ce soir, parce qu’à c’rythme-là, on va y passer la semaine.
– Il n’y a pas de RTT dans mon métier.
– Viens pas m’jouer du violon, quand j’ai commencé à travailler, on n’avait même pas les congés payés, donc ta complainte de feignant d’syndicaliste, elle m’émeut pas plus que les vœux de Mireille Mathieu.–Bon, reprenons, vous avez droit à un avocat.
–M’embrouille pas avec tes salamalecs administratifs. Les avocats ont d’intérêt que coupés en deux avec un zeste de citron.
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