• La familia grande

    « Souviens-toi, maman : nous étions tes enfants. »
    C.K.

    C’est l’histoire d’une grande famille qui aime débattre, rire et danser, qui aime le soleil et l’été.

    C’est le récit incandescent d’une femme qui ose enfin raconter ce qui a longtemps fait taire la familia grande.

    Camille Kouchner, 45 ans, est maître de conférences en droit. La Familia grande est son premier livre.

    -->Espérons que l'hydre contre laquelle Camille Kouchner combat soit à terre à jamais. Ce livre ne dénonce pas seulement l'inceste d'un grand de ce monde sur son beau-fils. Il dénonce des ramifications du crime: les culpabilités, l'omerta régnante. Ce livre resitue une histoire particulière de la libération sexuelle, du féminisme et du statut d'enfant dans tout ça. On n'oublie pas tout au long du récit que l'auteure est née dans les années 70, cette génération d'après 68.
    Il met en lumière une enfance d'une certaine manière ignorée et la toute puissance des adultes dans une "grande" famille. Le paradoxe de l'attachement et de l'obéissance.
    Toute une part d'héritage du passé familial est aussi rapportée, on pense ici aux suicides du côté maternel.
    Ce livre est efficace, espérons qu'il le soit pour abattre l'hydre, métaphore parlante.


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  • Le défi du champion

     

    Réalisé par Leonardo D'Agostini (2020)
    Avec Stefano Accorsi, Andrea Carpenzano, Massimo Popolizio

     

    Très jeune et plein de talent, mais indiscipliné et gâté, Christian Ferro est "Le champion", une rockstar du foot. Valerio, son professeur, solitaire et fauché, vit avec l'ombre de son passé. Entre les deux naîtra une amitié inattendue.


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  • Lil'Buck Real Swan

    Documentaire réalisé par Louis Wallecan (2020)

    Avec Charles Riley

    Lil’ Buck, jeune prodige de la street dance de Memphis baptisée « jookin’ » est rapidement devenu l’un des meilleurs danseurs de la ville avant de décider de prendre des cours de ballet.
    De cette alchimie va naître un mythe, celui d’un virtuose défiant la gravité, réconciliant deux styles et s’imposant comme une référence pour des artistes comme Yo-Yo Ma, Benjamin Millepied, Spike Jonze ou encore Madonna.


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  • A perfect family

     

    Réalisé par Malou Reymann (2020)
    Avec Kava Toft Loholt, Mikkel Boe Folsgaard, Neel Ronholt

     

    Emma, une adolescente, grandit au sein d’une famille tout à fait ordinaire jusqu’au jour où son père décide de devenir une femme. Ce bouleversement au sein de cette famille aimante conduit chacun à se questionner et à se réinventer…


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  • They're not like us

    C'est décidé, c'est aujourd'hui que « Syd » mettra fin à ses jours. Elle n en peut plus d entendre toutes ces voix dans sa tête, de ressentir toutes les émotions de la foule... Elle recherche le silence, la paix, et l'unique moyen de l'obtenir est de sauter du haut de cet immeuble.
    Mais Syd n'est pas folle, elle est juste télépathe. Et comme d'autres, elle doit apprendre à contrôler ses pouvoirs. C'est pour cette raison que le mystérieux The Voice apparaît devant elle et lui propose de rejoindre sa communauté secrète.
    Alors qu'elle s'imaginait utiliser ses dons pour faire le bien, Syd réalisera vite que ses camarades ont une tout autre manière de vivre : mensonges, agressions, vols et meurtres. Si elle veut rester parmi eux, Syd devra faire un choix décisif et irréversible.
    Mais pourquoi vivre dans l'excès et la violence ?
    Parce qu'ils le peuvent !

    --> Billet mitigé... au format Comics, il m'aura fallu la chronique d'un babélionaute (Présence) pour comprendre ce qu'il y avait de comics dans ce tome. Chose faite, j'étais contente de lire un comics sans gros muscle: ce n'est pas ma tasse de thé. Je découvre donc cette notion de héros "non conforme", au pouvoir exceptionnel et encombrant. L'intrigue dans son ensemble est plaisante, une maison dans la cité où se retrouvent, plus ou moins forcés, des jeunes gens pas ordinaires. On est dans l'action, pas dans la réflexion: on ne se demande pas comment utiliser ces pouvoirs extraordinaires, mais on vit avec. Les incursions dans la ville ne semblent pas rechercher le bien. D'ailleurs la notion de bien et de mal est quand même interrogée. J'ai trouvé tout cela un peu long. Alléchant, mais long.
    Je vais quand même tenter le deuxième tome.


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  • Didier vit avec sa soeur Soazig dans une petite ferme bretonne. Il est très malheureux : à 45 ans, ce passionné du tour de France, n'a toujours pas connu le grand amour. Alors qu'il doit acheter une moissonneuse à la vente aux enchères du matériel agricole de Régis, copain de beuverie et fermier en faillite, il revient sans matériel mais avec son copain.
    Soazig est furieuse, mais [...] consciente des malheurs de son frère, elle l'inscrit sur un site de rencontres. Rapidement, le profil de Didier fait une touche...

    --> Rencontre loupée (encore une fois) avec Pascal Rabaté. Je lis des chroniques qui parlent d'un album drôle. Je le trouve grave. On me le reprochera: certains peuvent rire de tout. Cette version "l'amour est dans le pré", je la trouve beaucoup trop réaliste pour qu'elle me fasse rire. Alors, comme chronique sociale, oui: c'est un bon album, soutenu par des dessins colorés, un brin poétiques, charmants. C'est tendre, mais pas drôle.


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  • Mathias Enard, Zeina Abirached

    1939, Afghanistan. Autours d'un feu de camp, aux pieds des Bouddhas de Bâmiyân, une voyageuse européenne, Anne-Marie Schwarzenbach, tombe amoureuse d'une archéologue. Cette nuit-là, les deux femmes l'apprennent par la radio, la Seconde Guerre mondiale éclate.2016, Berlin. Karsten, jeune Allemand qui se passionne pour l'Orient rencontre Nayla, une réfugiée syrienne, dont il s'éprend, malgré leurs différences.A travers ces deux récits entremêlés, deux histoires d'amour atypiques, comme un écho à deux époques complexes, se tissent au fil des pages. Alliant les contraires, rapprochant des êtres qui n'auraient jamais dû se croiser, l'album propose une réflexion sur la difficulté d'aimer aujourd'hui comme hier.

    --> J'avais déjà été séduite par l'univers graphique de Zeina Abirached (Le jeu des hirondelles) mais passée cette séduction, même constat: je n'adhère pas au scénario pourtant ici bien différent, du renommé multi primé Mathias Enard. Tout au long du récit, je n'arrivais pas à clairement me situer, dans le temps et l'action, m'obligeant à revenir en arrière, comparer les personnages... une lecture fastidieuse, d'autant plus frustrant qu'on a envie d'apprendre de l'histoire de ces femmes.

     


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  •  La dame de Shangaï

     

    Réalisé par Orson Welles (1947)
    Rita Hayworth, Orson Welles, Everett Sloane

    A Cuba, Michael, marin irlandais en quête d'un emploi, sauve d'une agression une jeune femme, Elsa. Le mari d'Elsa, avocat célèbre, offre à Michael d'embarquer sur son yacht pour une croisière vers San Francisco. Elsa et Michael tombent amoureux et Grisby, l'associé de Bannister, s’aperçoit de cet amour. Il veut disparaître et propose à Michael 5000 dollars pour signer un papier dans lequel il confesse l'avoir tué.

     


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  • Le baron

    Jean-Luc Masbou

    A l'automne de sa vie, le Baron de Münchhausen se retrouve confronté au livre fraîchement publié qui raconte ses aventures.
    Un livre qui, certes, lui amène une popularité et une certaine notoriété bien au-delà de la région où il réside mais qui le confronte à la mort en faisant de lui un héros de papier et non plus un conteur ! Notre baron se décide à rétablir la vérité, et quelle vérité !

    --> L'illustrateur de Cape et de crocs, fait ici tout le travail de scénariste et illustrateur. Si vous aimez les histoires, celles que l'on raconte, celles que l'on dessine, foncez!
    Il y a quelque chose de facétieux dans les dessins de JL Masbou. Il varie aussi les points de vue, les plans, mais sans en abuser: le lecteur peut ne pas le remarquer et suivre son histoire ou plutôt les histoires du Baron puisque que c'est de cela qu'il s'agit. Nous découvrons donc le personnage du Baron de Munchausen, conteur talentueux et le dessin de Masbou le sert très bien: j'ai aimé les couleurs, les détails, la longueur du récit (un poil trop court). Un one-shot à lire.
    Un grand merci aux édition Delcourt et à l'opération Masse critique d'avoir ainsi participé à mes étrennes de nouvel an ;)

    Citations:

    Celui dont il est question dans ce livre est tout cela à la fois ! Menteur, conteur, poète,... considéré comme un personnage imaginaire, tant ses aventures étaient incroyables, il a réellement existé ! ... Il s’agit du baron de Münchhausen. (p. 3)

     

    - Vous êtes baron, mon cher ! Capitaine de cavalerie ! Un soldat héroïque, pas un saltimbanque !
    -Et quel mal y a -t-il à être un saltimbanque ? On en tire, certes, moins d'honneurs et de médailles, mais si j'avais suivi cette voie, peut-être aurais-je été témoin de moins de batailles , de moins de violences, de moins d'atrocités. Charger sabre au clair, c'est très romantique, mais au bout de la lame il y a des cris, du sang et une tête qui tombe !
    (Madame la Baronne et le baron p. 40)

    Le sot est celui qui ne s'en rend pas compte et assomme les autres avec ses histoires sans se demander si ça les intéresse ! ( p. 42)

     

    - quelqu'un a jugé bon de coucher sur le papier le récit de mes voyages !
    -Allos bon !!! la belle affaire ! Vous passerez à la postérité avec des contes pour enfants !!!
    -Et quel mal y a-t-il à cela ? !
    - votre nom sera couvert de ridicule et non de gloire !
    - La gloire je vous la laisse ! En espérant que vos trois escarmouches, vos miroirs, votre lustre et votre tabac vous en apportent assez pour inscrire votre nom dans l'histoire ! Goûtez-donc votre poisson et laissez les enfants ou ceux qui savent rêver goûter mes récits !
    ( Le Baron et le Vicomte Von Hertzberg p. 51)

    Mais en écrivant ces mots, je me rends compte que je ne parle pas de ceux qui écrivent l'histoire. Je parle des discrets, des peintres de l'air qui vous amènent bien mieux vers la vérité que tous les bâtisseurs d'empires. p.65

    Je me plais parfois imaginer des rencontres improbables entre spécialistes d’une même discipline, mais chacun d’une époque différente. De quoi auraient parlé Mozart et Michel Petucciani s’ils s’étaient rencontrés ? Ou Copernic et Stephen Hawking ? Le choc aurait-on été trop rude, ou auraient-ils joué ou disserté toute la nuit dans un échange ponctué d’admiration réciproque ? De quoi auraient alors pu parler Neil Armstrong et le baron de Münchnhausen ? Hein?! ... De quoi ?
    (p . 64)


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  • Stupor Mundi

    Au début du XIIIe siècle, Hannibal Qassim El Battouti, un éminent savant arabe, débarque dans les Pouilles à Castel del Monte, refuge d'érudits en tout genre. Accompagné de sa fille Houdê, paralysée, et de El Ghoul, son serviteur masqué, il a dans ses bagages une invention extraordinaire : la photographie. Pour obtenir la protection de Frederic II et continuer ses recherches, il lui faudra retrouver une formule chimique disparue, réaliser un faux saint-suaire... et lutter contre les forces ennemies liguées contre lui. Une aventure médiévale digne du «Nom de la Rose».

    --> Une histoire plutôt originale par ses dessins et le récit lui-même, où l'on assiste à la défiance de la science sur les religions au Moyen âge. Un savant arabe traverse la Méditerranée et se réfugie dans les Pouilles italiennes au milieu d'autres savants où il va continuer sa recherche... il a inventé un procédé de reproduction de l'image sur un linge, mais il lui manque la formule pour fixer celle-ci.
    Après quelques efforts pour rencontrer le graphisme de Nejib, le récit m'a réellement transportée au Moyen âge: une histoire réussie!


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  • Les parfums

     

    Réalisé par Grégory Magne (2020)
    Avec Emmanuelle Devos, Gregory Montel, Gustave Kervern

    Anne Walberg est une célébrité dans le monde du parfum. Elle crée des fragrances et vend son incroyable talent à des sociétés en tout genre. Elle vit en diva, égoïste, au tempérament bien trempé. Guillaume est son nouveau chauffeur et le seul qui n’a pas peur de lui tenir tête. Sans doute la raison pour laquelle elle ne le renvoie pas.

    --> Voyage olfactif dans le métier de nez, Guillaume, divorcé, est en quête d'emploi stable pour pouvoir accueillir sa fille. Sa rencontre avec Anne va changer leurs vies professionnelles. Sympathique.


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  • Mémorable

    Réalisé par Bruno Collet (2019) - Court métrage

    Avec André Wilms et Dominique Reymond

    Depuis peu, Louis, artiste peintre, et sa femme Michelle vivent d'étranges événements. L'univers qui les entoure semble en mutation. Lentement, les meubles, les objets, des personnes perdent de leur réalisme. Ils se déstructurent, parfois se délitent.

    --> Déroutant et beau court métrage sur une vraisemblable démence. Les matières variées utilisées dans ce film de 12min sont surprenantes: de la gouache empâtée, du modelage, de l'effet 3D des transparences...


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  • Loin du soleil

    Résumé
    Postée derrière sa haie, ou à travers la porte vitrée de la cuisine, Greta, qu'une maladie condamne à fuir le soleil, regarde grandir Loïc dans la campagne profonde, quelque part en France. Dans ce territoire abandonné, où planent les ombres du passé et la violence du présent, le destin de Loïc, très tôt frappé par le malheur, semble inexorable. Greta saura-t-elle infléchir le cours de cette vie ?

    Écrivain et comédienne, Françoise Henry a publié dix romans (Calmann-Levy, Pauvert, Grasset et Gallimard), dont Journée d’anniversaire (prix Cino del Duca, prix Comtois), Le Rêve de Martin (finaliste au Fémina, prix M. Audoux), Juste avant l’hiver (prix Ch. Exbrayat, prix Fondation Ch. Oulmont, prix d’Ambronay), La Lampe, et Plusieurs mois d’avril (Blanche/Gallimard). En 2019 elle a publié son premier recueil de nouvelles : Jamais le droit de crier aux éditions The Menthol House.

    Elle joue et écrit des pièces pour France-Culture et pour France-Inter. Elle intervient également dans les collèges, et anime des ateliers d’écriture en primaires, collèges et lycées. Elle est membre du C.A. de la Société des Gens de Lettres. En 2019, elle a été lauréate d'une résidence d’écriture à la Villa Marguerite Yourcenar.

    Note de l'éditeur
    A travers l’histoire d’une famille, et surtout d’un enfant qui devient adulte, le roman des gens de peu dans les territoires perdus de la République. « On retrouve dans ce nouveau roman la tonalité si singulière de l’auteure du Rêve de Martin : une justesse poignante, toute en sobriété et en délicatesse, dans l’attention portée aux “simples” dont nul n’a souci. » Sylvie Germain
    Ils recommandent !
    « Bien sûr je ne suis qu'une voisine : Greta. Mais j'ai tout vu, j'ai vécu l'histoire dès sa naissance si l'on peut dire. J'aurais aussi bien pu être un chat, ou un oiseau, partageant la vie de ce hameau. À cet instant, je serais plutôt une chouette-effraie, qui sait tourner la tête à cent quatre-vingts degrés. Sans bouger de sa branche elle épie tout, de ses grands yeux fixes. »

    --> Françoise Henry avec un récit simple nous amène dans les replis de l'âme humaine. Le récit est simple, comme l'histoire finalement, mais quelle émotion! Tel le courant d'un ruisseau, on se laisse emporter pour ne refermer le livre qu'une fois l'histoire terminée. Dans un petit hameau de 4 maisons un garçon de 30 ans réapparaît après une dizaine d'années d'absence. La voisine raconte ce qu'elle sait, témoin au sein du hameau des drames d'un foyer :elle déroule sur trente ans ce qu'elle a vu, prise à partie de temps en temps malgré elle. Situation du voisins: concerné mais pas impliqué. Elle soigne sa culpabilité de simple témoin et prend part comme elle le peut à la destinée du jeune Loïc. Elle est elle-même atteinte d'une maladie qui l'oblige à ne pas s'exposer à la lumière, à vivre et oeuvrer dans l'ombre. Elle nous montre en particulier comment une existence peut être reniée, un enfant, une personne peut être en mal d'amour. Elle nous montre la chute d'un homme dans l'alcool. Dans son récit, personne ne juge, le temps se déroule, c'est ainsi.
    On est proche de l'art de la narration des histoires grises de Philippe Claudel. Un très beau roman.

    Citations:

    -S'il te plaît, lui as-tu demandé, est-ce que tu pourrais me prendre dans tes bras ?
    Si je me souviens de ces termes avec exactitude, c'est qu'ils résonnent dans ma mémoire comme si je les avais moi-même entendus. Elle en a été bouleversée, Anne-Marie, ainsi qu'elle le sera toujours quand elle pense au moment où tu lui as adressé cette prière, à voix tellement peu forte que les hommes pris dans leur conversation l'ont à peine entendue Tu t'es retrouvé assis sur ses genoux tandis qu'elle te serrait contre elle, qui ne pouvait que répéter :
    - Mon petit, mon petit...p.75

    Tout le monde est retourné à son quotidien. On a de grands élans comme ça, on a les yeux embués quand on en parle, puis on se retrouve vite coincé dans ses habitudes. p.76

    On sait bien qu’il n’y a pas beaucoup de sécurité dans l’amour, et personne ne peut être assuré d’être aimé aujourd’hui, ou demain. Pourtant les enfants, au moins, devraient éprouver cette sécurité-là : être aimés par leurs parents. Ne pas savoir si l’on est aimé est peut-être la chose la plus déstabilisante qui soit, cela peut vous plonger dans un abîme de panique, vous conduire à des gestes fous.

    Maintenant, tu sais bien qu'elle s'est tirée définitivement. Qu'on t'a abusé. Que les avions ne transportent que des vivants. Que ces vivants, un jour ou l'autre, reviennent, ou alors ils meurent dans des crashs et on vous met forcément au courant. Tu sais, à sa décharge s'il en est besoin, qu'elle ne t'a jamais trahie. Mais cela ne te console pas.

     


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  • Histoire du fils

    Marie-Hélène Lafon

    Le fils, c’est André. La mère, c’est Gabrielle. Le père est inconnu.

    André est élevé par Hélène, la sœur de Gabrielle, et son mari. Il grandit au milieu de ses cousines. Chaque été, il retrouve Gabrielle qui vient passer ses vacances en famille.

    Entre Figeac, dans le Lot, Chanterelle ou Aurillac, dans le Cantal, et Paris, Histoire du fils sonde le cœur d’une famille, ses bonheurs ordinaires et ses vertiges les plus profonds, ceux qui creusent des galeries dans les vies, sous les silences.

    Avec ce nouveau roman, Marie-Hélène Lafon confirme la place si particulière qu’elle occupe aujourd’hui dans le paysage littéraire français.

    Marie-Hélène Lafon est professeur de lettres classiques à Paris. Tous ses romans sont publiés chez Buchet/Chastel.

    --> Je découvre Marie-Hélène Lafon avec ce prix Renaudot, court roman sur la quête des origines et à travers l'histoire du fils, une histoire de famille. Les chapitres font des sauts dans le temps, en avant, en arrière.... si bien qu'au quatrième chapitre il m'aura fallu revenir au début du récit pour mettre les choses dans l'ordre. Je me suis interrogée: qu'est ce que cet effort demandé au lecteur apporte au récit? Ce récit aurait-il autant de puissance narré dans l'ordre chronologique? Une fois bien située, cette histoire transgénérationnelle met en avant la force des non dits, la quête d'identité. C'est une histoire non dénuée de chaleur, avec une écriture enlevée, travaillée, qui donne envie de lire de découvrir plus avant cette auteure.


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  • Ne plus jamais marcher seuls

    Laurent Seyer

    Elle s’appelle Naomi Strauss, elle est parisienne, un peu bobo, journaliste dans un hebdo « plutôt de gauche ». Lui, c’est Nick Doyles, chauffeur de taxi à Liverpool, évidem­ment supporter de foot et ouvertement pro-Brexit. Quand la première est envoyée pour interviewer le second, ça ne peut faire que des étincelles. Entre incompréhensions et préjugés, la rencontre est houleuse et le « vivre ensemble » prôné par la journaliste ne semble pas aller de soi.
    Il ne faudra rien de moins qu’un acte héroïque improbable, un incident diplomatique impliquant la Reine et un chant repris en chœur par tout un stade, pour qu’ils éprouvent l’un envers l’autre un début de tolérance, voire de complicité.
    Cette comédie à l’anglaise, façon Laurent Seyer, tente de réconcilier smoothie bio et fish & chips, « vivre ensemble » et « chacun chez soi ».

    --> Une comédie simple, "rafraîchissante", construite sur des préjugés dévoilés pour mieux en rire. On passe un bon moment avec Naomie et Nick, malgré eux. Une petite pirouette à la fin: tout rentre et reste dans l'ordre des choses, avec un petit mieux: on gagne toujours à découvrir l'altérité.


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  • La nuit Mac Orlan

    Le Gouëfflec - Briac

    Marin arrive à Brest pour y rencontrer un bouquiniste qui possèderait un manuscrit inédit de Pierre Mac Orlan, l'auteur du célèbre Le Quai des brumes. Bientôt, il se retrouve en cavale dans la nuit brestoise, traqué par la police, cherchant à reconstituer les morceaux d’un puzzle diabolique.

    --> Pour les amateurs de la ville de Brest, une belle initiation à l'oeuvre de Pierre Mac Orlan (Le quai des brumes). Les illustrations de Briac proposent une véritable immersion dans la ville. L'intrigue originale, brève, nous invite à découvrir l'auteur du siècle dernier.
    On remarquera la qualité du papier (éd. 2020) qui magnifie le travail graphique, ainsi que pour cette édition la postface qui nous en dit en peu plus sur le travail des auteurs et nous montre à voir leurs couvertures réinventés des ouvrages de Mc Orlan.

     


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  • Xavier Dorison (scénario) Félix Delep (illustrations)

    Rire, c’est déjà ne plus subir.

    Quelque part dans la France de l’entre-deux guerres, niché au cœur d’une ferme oubliée des hommes, le Château des animaux est dirigé d’un sabot de fer par le président Silvio… Secondé par une milice de chiens, le taureau dictateur exploite les autres animaux, tous contraints à des travaux de peine épuisants pour le bien de la communauté…
    Miss Bengalore, chatte craintive qui ne cherche qu’à protéger ses deux petits, et César, un lapin gigolo, vont s’allier au sage et mystérieux Azélar, un rat à lunettes pour prôner la résistance à l’injustice, la lutte contre les crocs et les griffes par la désobéissance et le rire… Premier tome d’une série prévue en quatre volumes, "Le Château des animaux" revisite "La Ferme des animaux" de George Orwell (1945) et nous invite à une multitude de réflexions parfois très actuelles…

    --> Un coup de coeur... ces albums (j'ai découvert les tome 1 et 2 ensemble) m'ont touchée. Les dessins sont d'une grande sensiblité: Félix Delerp pour qui ce sont ces premiers albums nous sert des animaux très expressifs qui se mettent parfaitement au service du scénario de Xavier Dorison, scénario qui trouve sa source dans la lecture de la ferme des animaux d'Orwell et dans les mouvements et grands hommes non violents. Car cette série dessinée (4 tomes sont prévus) veut porter le message d'une possible lutte non violente, ici face à la dictature.
    Une lecture simple et naïve, addictive: on s'attache terriblement aux animaux si expressifs.
    X.Dorison veut convaincre: on ne change les choses sur le long terme que sur la base de la non violence. L'art a le pouvoir de rendre l'injustice visible, il faut faire cesser la peur qui rend la force utile.
    Le scénario de Dorison a emporté un jeune et talentueux dessinateur dans l'aventure du château des animaux: vivement la suite, et vivement les prochains projets. Un illustrateur à suivre!

    Dorison: Inspiré par La ferme des animaux Gandhi / Mandella Solidarnosc les serbes et Otpor, Mandela... La désobéissance civile

    Force et résolution par la force - volonté d'autoritarisme - la cause portée par la violence

    différence entre vaincre et convaincre - on ne change les choses profondément et sur le long terme sur la base de la non violence.

    Rendre l'injustice visible: l'art (comme les médias) a ce pouvoir.

    Faire cesser la peur, qui rend la force inutile

    Delep: tics, sort de l'école

    scénario: pack 4 tomes finalement 2


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  • Le fil

    Philippe Jalbert

    Oh hisse ! Il faut absolument tirer ce fil car au bout, il y a un petit trésor...
    Une petite dame, un chat, un cochon, un ours, un géant même et aussi un tout petit poussin s'entraident pour tirer sur ce satané fil.
    Qu'y a-t-il au bout ? Le fameux "petit trésor" n'est rien d'autre qu'un bonhomme qui se retrouve les fesses à l'air ! On ne vous a jamais appris qu'il ne fallait pas tirer sur un fil qui dépasse ?

    --> Une déclinaison du conte du Navet, structuré en randonnée, où le géant, l'ours, le cochon, le chat, la petite dame... et le petit oiseau espèrent trouver un trésor en tirant sur un fil de laine, au lieu de quoi ils mettent à nu une petite fille et il leur faudra retricoter une petite culotte avec le fil. Une petite histoire parfaite.


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  • Sybille Delacroix (Les larmes)

    Ce matin, Petit Ours est tout content.
    En rendant visite à Boucle d’Or, avec ses parents
    il va enfin découvrir comment vivent les humains.
    Du salon à la cuisine, des chambres à la salle de bain,
    les Trois Ours vont tout toucher, tout explorer.
    Pauvre Boucle d’Or, avoir trois ours chez soi,
    cela fait des dégâts.
    Les images de cette visite catastrophique épousent les actions des ours.
    Cela commence doucement, et puis cela s’accélère,
    et la pauvre Boucle d’Or ne sait plus où donner de la tête.
    Elle a beau courir partout et se démultiplier, rien n’arrête le désastre
    et le zoom arrière qui nous montre la vue de la maison en coupe
    nous le confirme.
    À partir de 4 ans

    --> Très chouette version du conte détourné de Boucle d'or. Ce sont les 3 ours qui ce rendent chez les humains. Les dernières images foisonnent de détails. L'histoire reste simple et abordable dès qu'on connait l'histoire originale (par exemple avec l'album de Byron Barton LA version en album la plus simplissime et claire) à compléter par l'excellent Bou et les 3 zours d'Elsa Valentin, et tant d'autres....


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  • Jordi Lafebre et Zidrou

    Mon bébé! Les anges du ciel me l'ont rapporté! Je le savais bien, moi, que le Bon Dieu ne pouvait pas garder mon petit bébé auprès de lui. La place d'un bébé, c'est contre le coeur de sa maman, pas au paradis.

    ---> Dans l'impasse du bébé à moustache, il règne une ambiance fraternelle et bienveillante. Il n'y a pas de place pour les garnements qui tentent des quolibets avec la jeune Camille: tout le quartier est là, derrière elle, pour croire à ses histoires puisque c'est cela qui la rend heureuse. Qu'importe qu'elle soit "simple".

    On peut se demander d'où est venu aux auteurs l'inspiration. Est-ce dans le deuil de ceux qu'on appelle les anges, les morts nouveau-nés? Est -ce dans la question de l'amour maternel et plus largement de la fraternité?

    C'est mon coup de coeur pour Malgré tout, de Jordi Lafebre, m'a donné envie d'en connaître plus sur cet illustrateur au travail sensible et soigné. Le scénariste est ici Zizou, comme dans les beaux étés. Il se trouve que Lydie est un prénom qui résonne comme nul autre à mon oreille ce qui fait de cet ouvrage une lecture encore plus personnelle.

    Une bien belle découverte. Un moment de grâce.

    - C'est incroyable la quantité de larmes qu'il peut y avoir dans une seule personne. p.17

     


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  • 1984

    1984, le chef-d’œuvre de George Orwell, fait partie des plus grands textes du xxème siècle. Les lecteurs de tous âges connaissent Big Brother et Winston Smith, car plus qu’un roman politique et dystopique, 1984 a nourri notre imaginaire sans jamais perdre de son actualité. L’atmosphère envoûtante et le dessin aux teintes fantastiques de l’illustrateur brésilien Fido Nesti, alliés à la modernité de la traduction de Josée Kamoun, nous offrent aujourd’hui une somptueuse édition de 1984, la première version graphique du texte mythique d’Orwell.
    Il s'agit d’un des événements éditoriaux les plus attendus de l’année à travers le monde.

    Traduit l'anglais par Josée Kamoun

    --> Cette adaptation graphique ne se contente pas de reprendre une histoire simple avec les grandes idées de cette oeuvre magistrale qu'est 1984, mais nous montre sa complexité. Une bande dessinée à conseiller, non pour faire croire à un roman rendu accessible, mais pour rendre accessible la complexité du roman. Cette bande dessinée ne fait pas dans la facilité et c'est ce qui fait sa réussite. Elle nous rappelle que 1984 est bien plus que Big brother is watching you. Il me faut désormais relire 1984 avec une nouvelle maturité (ça fait presque trente ans, tout de même :))

     

    Citation:

    Son esprit vagabonde dans les dédales du DOUBLEPENSER. Savoir sans savoir, être conscient de la vérité intégrale tout en racontant des mensonges savamment construits. Entretenir en même temps deux opinions antithétiques, avec une égale conviction.
    Jouer la logique contre la logique, bafouer la morale tout en s'en réclamant, croire la démocratie impossible et désigner le PARTI comme son gardien, oublier ce qu'il faut oublier, puis retrouver la mémoire si nécessaire pour l'oublier aussitôt.
    Et surtout, appliquer ce traitement au procédé lui-même: induire l'inconscience sciemment, et refouler l'acte d'autohypnose auquel on vient de se livrer - le comble de la subtilité. Pour comprendre le mot "doublepenser", encore faut-il être capable de DOUBLEPENSER soi-même. p.37

    Le passé est ainsi réactualisé de jour en jour pour ne pas dire de minute en minute. De cette façon, il devient possible de prouver, documents à l'appui que toute prédiction émise par le PARTI s'est vérifiée. Et à contrario, on ne conserve jamais de traces d'informations ou d'opinions qui desserviraient les besoins du moment.
    L'histoire n'est plus qu'un palimpseste, soigneusement effacé et récrit aussi souvent que nécessaire. Une fois la rectification effectuée, il devient impossible de prouver qu'il y a eu falsification.
    La section la plus importante du SERVICE DES ARCHIVES se compose d'employés ayant pour seule tâche de retrouver et rassembler tous les exemplaires des livres, journaux et autres documents qui, devenus caducs, vont être détruits. p.41

    – Alors, le dictionnaire, ça avance ?
    – Celle-ci sera l’édition définitive.
    Nous détruisons des mots par dizaines, par centaines. Tous les jours, nous dégraissons la langue jusqu’à l’os.
    Pourquoi conserver un mot qui n’est que le contraire d’un autre ? Prends « bon » par exemple. Quel besoin d’avoir « mauvais » ? « inbon » fera aussi bien l’affaire.
    Si tu veux une version renforcée de « bon », ça ne rime à rien d’avoir une kyrielle de mots approximatifs comme « excellent », « superbe ». « Plusbon » couvre le sens, et même « doubleplusbon » si on veut insister.
    Ne vois-tu pas comme c’est beau, Winston ?
    Ne vois-tu pas que tout le propos du néoparler est de rétrécir le champ de la pensée ?
    A terme, nous rendrons littéralement impossible le mentocrime pour la bonne raison qu’il n’y aura plus de mots pour le commettre. Tout concept sera exprimé par un seul vocable. La révolution sera complète quand la langue sera parfaite. p.48

    - Ne vois-tu pas que tout le propos du NEOPARLER est de rétrécir le champ de la pensée ?
    A terme, nous rendrons littéralement impossible le MENTOCRIME pour la bonne raison qu’il n’y aura plus de mots pour le commettre. Tout concept sera exprimé par un seul vocable. La REVOLUTION sera complète quand la langue sera parfaite. p.48

    - Il y a même un mot pour ça en NEOPARLER - VIEPERSO - qui recouvre l'individualisme et l'excentricité. p. 65


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  • Les dieux du carnage

    A l’école, Ferdinand attaque Bruno à coups de bâton. Les parents se rencontrent pour régler le litige dans l’appartement du blessé. Au tout début, urbains, bienveillants, conciliants, ils tentent de tenir un discours commun de tolérance et d’excuse qui s’envenime peu à peu. Entre Alain Reille, avocat sans scrupule qui répond sans cesse à son portable tout en défendant une vision du monde à la John Wayne, Véronique Houillé à la morale citoyenne qui écrit un livre sur le Darfour, son mari Michel qui vient d’abandonner le hamster de sa fille dans le caniveau et Annette Reille qui se met à vomir, c’est la débandade, le chacun pour soi, le conflit ouvert, la catastrophe qui s’annonce…
    A partir d’un petit fait du quotidien chez des quadras bourgeois (l’univers de Art et de Trois versions de la vie), Yasmina Reza évoque avec jubilation, férocité et tendresse aussi tous les paradoxes de la condition humaine : l’égoïsme et la générosité, la responsabilité et l’indifférence, la politesse et la brutalité, le futile et le grave, tout le dérisoire des grandes déclarations qui s’effondrent à la moindre anicroche.

    --> Adapté au cinéma en 2011, j'avais gardé un souvenir savoureux d'un huit clos tout en tension... ce fut un plaisir de trouver le texte par l'auteure d'Art. L'occasion de refaire les scènes pour soi, de s'éloigner de l'image et s'approprier encore mieux les situations.

    Alain: Madame, notre fils est un sauvage. Espérer de lui une contrition spontanée est irréel. Bon, je suis désolé, je dois retourner au cabinet. Annette, tu restes, vous me raconterez ce que vous avez décidé, de toute façon je ne sers à rien. La femme pense il faut l'homme, il faut le père, comme si cela servait à quelque chose. L'homme est un paquet qu'on traîne donc il est décalé et maladroit, ah vous voyez un bout du métro aérien, c'est marrant! p.30

    VÉRONIQUE. Annette, gardons notre calme. Michel et moi nous efforçons d’être conciliants, et modérés...
    ANNETTE. Pas si modérés.
    VÉRONIQUE. Ah bon ? Pourquoi ?
    ANNETTE. Modérés en surface.
    ALAIN. Toutou, il faut vraiment que j’y aille.
    ANNETTE. Sois lâche, cas-y.
    ALAIN. Annette, en ce moment je risque mon plus gros client, alors ces pinailleries de parents responsables...
    VÉRONIQUE. Mon fils a perdu deux dents. Deux incisives.
    ALAIN. Oui, oui, on va finir par le savoir.
    VÉRONIQUE. Dont une définitivement.
    ALAIN. Il en aura d’autres, on va lui en mettre d’autres ! Des mieux ! On lui a pas crevé le tympan !
    ANNETTE. Nous avons tort de ne pas considérer l’origine du problème.
    VÉRONIQUE. Il n’y a pas d’origine. Il y a un enfant de onze ans qui frappe. Avec un bâton.
    ALAIN. Armé d’un bâton.
    MICHEL. Nous avons retiré ce mot.
    ALAIN. Vous l’avez retiré parce que nous avons émis une objection.
    MICHEL. Nous l’avons retiré sans discuter.
    ALAIN. Un mot qui exclut délibérément l’erreur, la maladresse, qui exclut l’enfance.
    VÉRONIQUE. Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter ce ton.
    ALAIN. Nous avons du mal à nous accorder vous et moi, depuis le début.
    VÉRONIQUE. Monsieur, il n’y a rien de plus odieux que de s’entendre reprocher ce qu’on a soi-même considéré comme une erreur. Le mot « armé » ne convenait pas, nous l’avons changé. Cependant, si on s’en tient à la stricte définition du mot, son usage n’est pas abusif.
    ANNETTE. Ferdinand s’est fait insulter et il a réagi. Si on m’attaque, je me défends surtout si je suis seule face à une bande.
    MICHEL. Ça vous a requinquée de dégobiller.
    ANNETTE. Vous mesurez la grossièreté de cette phrase.
    MICHEL. Nous sommes des gens de bonne volonté. Tous les quatre, j’en suis sûr. Pourquoi se laisser déborder par des irritations, des crispations inutiles ?
    VÉRONIQUE. Oh Michel, ça suffit ! Cessons de vouloir temporiser. Puisque nous sommes modérés en surface, ne le soyons plus !
    MICHEL. Non, non, je refuse de me laisser entraîner sur cette pente.
    ALAIN. Quelle pente ?
    MICHEL. La pente lamentable où ces deux petits cons nous ont mis ! Voila !
    (pp. 43-45)

     

     

    Film Carnage, réalisé par Roman Polanski en 2011 avec Jodie Foster


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  • Benni

     

    Réalisé par Nora Fingscheidt (2020)
    Avec Helena Zengel, Albrecht Schuch, Gabriela Maria Schmeide

    Benni a neuf ans. Négligée par sa mère, elle est enfermée depuis sa petite enfance dans une violence qu’elle n’arrive plus à contenir. Prise en charge par les services sociaux, elle n’aspire pourtant qu’à être protégée et retrouver l’amour maternel qui lui manque tant. De foyer en foyer, son assistante sociale et Micha, un éducateur, tenteront tout pour calmer ses blessures et l’aider à trouver une place dans le monde.

    --> ... c'est assez "brut" comme film. La jeune Helena Zengel crève l'écran, ses crises nous transpercent par tous les pores. Une colère qui joue avec la folie. Helena Zengel est à l'affiche d'un film US à sortir avec Tom Hanks.

     


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  • Femmes puissantes

    Lorsque, à l'été 2019, Léa Salamé donne rendez-vous aux auditeurs de France Inter avec des entretiens intimistes autour de la puissance des femmes, personne n'imagine l'impact de ces émissions. Elles battent aussitôt des records d'écoute et suscitent des milliers de commentaires enthousiastes. Une seconde vague d'entretiens sera diffusée entre Noël et le jour de l'An. Une nouvelle saison sera lancée à l'été 2020.
    Ces entretiens frappent par la liberté et l'authenticité que permettent Léa Salamé et ses questions autour de la puissance des femmes : quelle est sa nature ? comment l'exercent-elles ? Quels sont les rapports entre féminité et pouvoir ? Comment ces femmes se sont-elles construites Si les femmes interviewées ont en commun d'être connues, elles n'en sont pas moins toutes différentes. Christiane Taubira explique comment elle a survécu à la Manif' pour tous et au déluge de haine misogyne et raciste ; Nathalie Kosciusko-Morizet s'adresse à toutes les femmes désireuses de devenir puissantes ; Laure Adler évoque comment elle a surmonté la mort d'un enfant ; Leïla Slimani parle de ses origines familiales et de la confiance en soi.
    Retravaillés pour ce livre afin d'en restituer toute l'intimité, les entretiens sont précédés d'un long texte très personnel de Léa Salamé qui se prête au jeu de l'introspection. Des femmes puissantes est la rencontre d'une personnalité hors norme avec son époque.

    On dit des femmes qu'elles sont belles, charmantes, piquantes, délicieuses, intelligentes, vives, parfois dures, manipulatrices ou méchantes. "Hystériques" lorsqu'elles sont en colère. "Arrivistes" lorsqu'elles réussissent. Mais on dit rarement d'elles qu'elles sont puissantes. Chez un homme, la puissance est légitime. Chez une femme, elle parait suspecte, contre-nature. J'ai voulu savoir pourquoi, et j'ai entamé un voyage dans les mystères du pouvoir au féminin. On se construit en se confrontant à d'autres vies que la sienne. J'ai rencontré des femmes dont j'admirais le courage, la liberté et la singularité. Ecrivaine, médecin, femme politique, cheffe d'entreprise, rabbine, sportive, jeunes ou plus âgées, de droite ou de gauche... elles ont toutes un point commun : leur force intérieure et leur influence dans la société, en un mot, leur puissance. Elles m'ont transformée, profondément. Ont fait voler en éclats mes préjugés. Mais surtout, comme à beaucoup d'auditrices, elles m'ont fait du bien.

     --> Un avis mitigé sur cette série d'entretiens que je suis contente d'avoir lus.
    En posant ses questions, Léa Salamé semble préjuger des réponses. Il semble qu'elle puisse également rapporter des propos d'une interview en préjugeant de leur interprétation. Du moins c'est ce que je ressens et qui m'agace particulièrement: je ne suis pas amatrice du genre, ni de la journaliste.
    Cependant...
    J'ai bien aimé lire les propos de ces femmes diverses. J'aime qu'on leur propose de définir la puissance. J'aime leurs réponses variées. Finalement j'ai été bien plus tolérante avec le travail de Léa Salamé à l'écrit... pourtant dans ce livre, on lit de la radio. Tout comme avec les podcasts, la parole est ici fixée, on (lecteur) peut revenir dessus.
    Je me suis surprise à écouter volontairement les émissions de cette année. Elles ont l'avantage de présenter un éventail de personnalités très différentes, dans un format finalement plutôt plaisant. Il faut reconnaître là le travail de L.Salamé.

    Léa Salamé: Est-ce que vous ne retenez du phénomène #MeToo que ses excès? J'ignore si c'est la cas autour de vous, mais j'ai vu des jeunes femmes me dire qu'elle avaient été touchées, harcelées, placées sous emprise ou qu'elles avaient été la cible du chantage d'un homme. Sans aller jusqu'au viol, la domination de l'homme sur le femme peut parfois prendre des aspects très subtils.
    Elisabeth Badinter: J'aime bien qu'on soit rigoureux avec les concepts. Celui d'emprise est incalculable et totalement personnel. Je trouve que c'est un peu facile.
    (...)
    Elisabeth Badinter: Vous m'avez mal entendue. Le fait que des femmes aient pu parler est un soulagement inouïe. De ce point de vue, je trouve #MeToo positif. Ce mouvement aura effectivement amélioré le sort des femmes victimes de violences physiques, en leur permettant de parler et en montrant l'ignominie qu'est le viol. #MeToo aura aussi amélioré leur sort dans le monde du travail. En revanche, il faut cesser de penser que la femme est une victime-née. Ou que es hommes sont tous des agresseurs potentiels, comme le dit Caroline De Haas. Ce n'est pas vrai. Laisser entendre cela est absolument dégueulasse et aura des conséquences très graves.
    Léa Salamé: Craignez-vous une guerre des sexes?
    Elisabeth Badinter: Je crains le séparatisme et la méfiance réciproque. J'entends beaucoup de jeunes hommes qui ne savent plus comment faire, quoi dire.
    (...)
    pp.127-128


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  • Paris, mille vies

    Guidé par une ombre errante, l'écrivain-narrateur déambule de nuit dans un Paris étrangement vide, se remémorant des scènes proches ou lointaines, des existences anonymes ou fameuses, des personnalités tutélaires (Villon, Hugo, Artaud...).
    Mille vies l'ont précédé dans cette ville qui l'a vu naître et mettre au monde lui-même tant de personnages. Un récit sur la présence des absents, qui mêle l'autofiction au fantastique pour esquisser un art poétique.

    -->

    Je ne sais pas depuis combien de temps cette nuit m'attendait. Je suis sorti de la gare Montparnasse. Tout semblait normal. Les gens allaient, venaient, se croisaient avec indifférence. La ville était encore bruyante et peuplée. J'étais heureux de retrouver Paris. La lumière de juillet était douce. Le soleil venait de passer sous la ligne des toits et embrassait le haut des immeubles d'une dernière lueur chaude et rasante. J'ai laissé toute cette vie m'envahir et j'ai avancé. Je pensais encore, à cet instant, pouvoir me fondre dans la foule. p.9 (Incipit)


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  • La différence invisible

    Marguerite a 27 ans, en apparence rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise et vit en couple. Pourtant, elle est différente.
    Marguerite se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée.

    --> Le spectre de l'autisme... où commence-t-il? Que peut provoquer le diagnostic, quels changements cela peut-il apporter lorsqu'un mot est posé sur ces troubles handicapants mais... peu visible? Julie Dachez apporte son témoignage, mis en dessin par Caroline Capodanno: cela donne un album sensible, agréable à lire, une piqûre de rappel pour dire nos différences.


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  • L'épidémie

    Le politicien Johan Svärd a pris le pouvoir grâce à une victoire électorale historique. Sa promesse de campagne : éradiquer l'obésité. Le jeune chercheur Landon Thomson-Jaeger voit alors sa copine tomber petit à petit dans l'anorexie, et les églises se transformer une à une en centres de santé. C'est en essayant d'échapper à la propagande qu'il rencontre Helena, qui vient de perdre son emploi car les infirmières ayant de l'embonpoint ont, selon le Parti, une influence néfaste sur les patients.
    Le Parti de la Santé est prêt à tout pour faire disparaître l'obésité. D'ailleurs, où sont passés les obèses ? Quand Helena disparaît à son tour, Landon part à sa recherche et fait sur son chemin des découvertes qui font froid dans le dos... que se passe-t-il dans les "camps pour obèses" du Parti, et jusqu'où iront les contrôles ? Le climat social est rude et la menace pèse...

    --> L'épidémie contre laquelle il faut lutter, c'est l'obésité. Un sujet bien peu abordé dans nos fictions contemporaines et pourtant au coeur de problématiques sociétales. C'est la force de cette dystopie effrayante. L'IMGM a remplacé l'IMC. Le gouvernement au pouvoir a décidé des mettre les moyens (sic) pour éradiquer ce fléau (ce mal du siècle a écrit Daniel Rigaud) et rendre la population suédoise la plus fine du monde.
    Pas de témoignage dans cette fiction qui s'inspire malheureusement bien du réel. Le regard sur des gens coûteux pour le gouvernement, l'ambition d'un peuple en bonne santé et la reproduction de méthodes éprouvées. Un livre au suspens bien entretenu. C'est glaçant... et pas vraiment réaliste: encore heureux.

    Ce qui manquait, c'étaient les motifs. Des motifs rationnels. Pourquoi l'hystérie autour de l'obésité était-elle arrivée si vite? Pourquoi les personnes obèses étaient-elles si difficiles à gérer pour une société civilisée? Lorsque Johan Svärd était monté à la tribune la première fois, le peuple suédois avait poussé un soupir collectif de soulagement. Enfin quelqu'un qui disait haut et fort ce que tout le monde pensait. p.101

    Gloria balaya la foule du regard. C'était le résultat de quatre années avec Johan Svärd au gouvernement. Une arène bourrée de gens dont l'estime de soi avait été brisée. Des milliers de suédois qui valaient bien plus que leurs mensurations. Aujourd'hui ils étaient là, le dos courbé, à porter leur propre poids sur leurs épaules. C'était incroyable que tant de gens comme elle avait osé venir. Ils devaient pourtant craindre la même chose qu'elle. Être ridiculisés et humiliés.
    Il n'y avait pas d'autre explication. Ils espéraient toujours. p.148

    - Oh..., hésita Gloria. Je ne crois pas que l'explication se trouve dans l'absence de religion. Je comprends que vous, en tant que pasteur...Enfin, les gens ne se mettent pas à haïr les gros simplement parce qu'ils arrêtent d'aller à l'église.
    - Détrompez-vous. Dans une société où l'autorité est absente, on saisit ce qu'on a de plus proche. Ce qui signifie...son corps, dit Valdemar en se tapant sur le ventre. La seule chose que nous puissions contrôler. Et la seule chose pour laquelle il existe des règles. Surtout depuis que les gens, comme vous dites, ont arrêté d'aller à l'église. Pourquoi croyez vous qu'il existe des prescriptions alimentaires dans toutes les cultures religieuses? Et des tirades à réciter? Des psalmodies qu'il faut sans cesse répéter?
    - C'est le besoin de l'être humain d'avoir des règles. p.163

     


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  • Ainsi parlait ma mère

    « Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l'Université catholique de Louvain. Qui n'a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas. La Peau de chagrin, de Balzac, c'est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu'à en effacer l'encre par endroits. Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d'autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas. Je n'ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même. Mais c'est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d'être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils. »

    --> Ce petit livre est d'une grande richesse. Il est brut, franc, sincère. Il est hommage à la mère. L'humilité, la dépendance, la fracture des classes, le statut de femme, l'immigration de deuxième génération...Autant de sujets effleurés qui nous traversent (tous?) l'esprit. C'est rapide... et puissant.

    INCIPIT
    Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l’Université catholique de Louvain. Qui n’a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas. La Peau de chagrin, de Balzac, c’est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu’à en effacer l’encre par endroits. Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d’autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même. Mais c’est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d’être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils.
    Une lecture qui lui est aussi devenue indispensable le soir, avant de s’endormir. Elle se cale en chien de fusil contre son oreiller, ferme les yeux. Comme un enfant qui sait, pour l’avoir entendu des dizaines de fois, qu’un conte va l’émerveiller ou l’épouvanter. La Peau de chagrin, j’ai dû le lui lire moi-même déjà deux cents fois. Elle l’a découvert sur une cassette audio que j’avais empruntée à la bibliothèque il y a bien vingt-cinq ans. Je me suis attaché à une époque à lui faire découvrir des trésors de la littérature par ce biais. Des cassettes ordinairement destinées aux aveugles et aux malvoyants. Parmi les dizaines écoutées, celle-ci a eu, de loin, sa préférence. Tout de suite. À peine rendue à la bibliothèque, elle m’a demandé de la lui acheter. Puis de le lui lire régulièrement. Pour soulager un peu mon temps et inquiet de sa fascination pour cette seule œuvre, je lui ai trouvé d’autres supports. J’ai d’abord acheté des cassettes vidéo puis des DVD des versions de l’ouvrage en drame lyrique, en opéra, en ballet, en adaptations diverses et variées au cinéma et à la télévision. Mais rien n’a trouvé suffisamment grâce à ses yeux pour qu’elle puisse se passer de ma lecture.
    En mon absence, ma mère revenait inlassablement à la cassette audio dont j’avais déjà racheté plusieurs exemplaires, tant elles s’usaient rapidement par l’écoute systématique – j’en avais fait faire des copies mais elles se révélaient trop rapidement inaudibles. Et puis, un jour, je n’en ai plus retrouvé. On avait cessé d’en vendre. J’ai fait les brocantes dans l’espoir d’en voir ressurgir une. Sans succès. J’ai même menti à la bibliothèque, leur faisant croire que j’avais perdu leur exemplaire. Mais cette cassette-là aussi a fini par rendre l’âme à son tour. Alors je me suis astreint pour elle à cette lecture quotidienne. J’ai bien essayé d’enregistrer moi-même le texte, mais j’ai vite compris que ma mère n’y trouvait pas son compte. J’ai payé un comédien pour l’enregistrer dans un studio numérique. La manipulation informatique étant totalement étrangère à ma mère, je l’ai fait transférer sur une cassette audio. Cette version n’a pas davantage eu sa bénédiction. Elle ne supportait que la cassette qui lui avait fait découvrir le livre ou ma lecture de vive voix.
    Et puis ma mère a soudain vieilli plus vite. Oubliant un jour le gaz allumé. Une autre fois se laissant vendre trois aspirateurs aux pouvoirs miraculeux dans la même semaine. D’autres fois encore chutant lourdement au sol sans arriver à se relever. Seul célibataire de la fratrie, il y a quinze ans j’ai tracé une croix définitive sur tout projet de vie de couple et j’ai emménagé chez ma mère, dans le petit deux pièces de Schaerbeek où j’ai vu le jour il y a cinquante-quatre ans. Mes quatre frères, bien plus âgés, s’étaient depuis longtemps installés dans d’autres régions. Ils ont tous une vie de famille et des petits-enfants. J’habite donc avec elle depuis qu’elle a soixante-dix-huit ans et qu’elle ne peut plus vivre seule.
    Depuis quinze ans, je la soigne, je la change, je la lave, je l’habille. J’assure, plusieurs fois par jour, sa « toilette intime ». Une expression bien neutre pour qualifier un acte que je n’aurais jamais imaginé faire lorsque, il y a cinquante-quatre ans, ma tête hurlante et sanguinolente débouchait de cette même « intimité » pour son premier contact avec l’air libre.
    Dans ces moments-là, ma mère prend ma main. Elle sourit tristement. Nous sommes tous les deux gênés et en même temps heureux. Curieux sentiment. En dehors des personnels soignants qui se succèdent à son chevet durant la semaine, je suis le seul dont elle accepte cette toilette, sans doute humiliante mais dont elle sait la nécessité. p.7

    Je n'ai jamais eu le sentiment que ses lectures aient influencé d'une quelconque façon sa vie. Qui ressemblait à celle de tout autre travailleur immigré de l'époque. Mais nous avions la lecture en partage sans jamais échanger quoi que ce soit à ce sujet. Il ne s'intéressait pas à ce que je lisais. Je ne comprends même pas comment il a pu s'intéresser à ce qu'il lisait. Ma culture scolaire naissante développait chez moi un inconscient mais bien réel mépris de classe. Qui me souille encore aujourd'hui et dont j'ai définitivement honte. p.15

    Plus tard, dans mes tripes et dans ma tête, le nom des Neuwenn incarnera tout ce que la violence de classe peut avoir de plus abject. La cruauté des puissants à l'égard des démunis. Qui s'exprime sans délicatesse dans des systèmes que l'on dit sociaux. Qui broie des vies comme on souffle une bougie. Avec la bonne conscience d'avoir fait par charité ce que d'autres réclament par justice. Ou avec le sentiment amer d'avoir dépensé en pure perte énergie, temps et argent. p.43

    Au bout du compte, c'est bien la confiance naïve que ma mère me témoignait qui m'a poussé à devenir meilleur. Pour en être digne. Face à une telle sincérité et à une telle innocence, on ne peut ni mentir ni tricher. Je lui dois cette leçon. p.46

    Et moi je me suis enduit d'une couche supplémentaire de honte. Je m'occupe certes de ma mère - on me loue souvent pour ça. Mais me suis-je jamais vraiment intéressé à elle? Je veille à ce qu'elle ne manque de rien par devoir. Je l'aime sincèrement. Mais la fracture culturelle que l'école a établie entre mes frères et elle d'un côté et moi de l'autre me semble définitivement insurmontable. Les transfuges de classe ont toujours le cul entre deux chaises. Ce n'est pas la position physique qui fait mal mais la douleur muette qui vous donne ce sentiment ineffaçable d'être un traître à votre propre famille. A celles et ceux qui vous sont le plus chers. Et qu'inconsciemment et patiemment vous avez appris à mépriser. p.53

    Ne parlons même pas d'imaginer sa mère ayant du désir... c'est un tabou total. Penser qu'elle aurait eu le moindre plaisir à faire un enfant avec votre père: Impensable. Au sens premier du terme. Le cerveau s'y refuse. Les images ne viennent pas. Pas plus que les paroles. Les émotions. Les respirations courtes. La transpiration. Les sécrétions. La jouissance. Impensable. Définitivement impensable. Pourtant elle a dû être femme, ma mère. Pas seulement maman. Pas seulement épouse passive victime d'un devoir conjugal. Une femme. p.55


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  • La souffleuse de verre

     

    Réalisé par Christiane Balthasar (2016)
    Avec Luise Hevr, Maria Ehrich, Franz Dinda

     

    Dans l'Allemagne de la fin du XIXe siècle, deux soeurs tentent de reprendre, non sans mal, l’atelier de verrerie paternel... Une émouvante histoire d'émancipation, présentant deux figures féminines fortes s’élevant contre les règles de la société étriquée de leur temps.

    --> Une belle réalisation historique dans le monde des souffleurs de verre. Le caractère trempé, et différent, de deux soeurs liées par familial qu'elles maintiennent leur font tracer une belle destinée de souffleuse et créatrice de boules de Noël qu'elles vendront à un américain. Un joli conte.


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  • L'anomalie

    "Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension."
    En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris - New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte.
    Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.

    Roman virtuose où la logique rencontre le magique, 'L’Anomalie' explore cette part de nous-même qui nous échappe.

    --> Ce livre est assez enthousiasmant: à la croisée des genres littéraires qui s'y retrouvent, savamment organisés. Selon que l'on soit un littéraire averti ou un amateur de lecture, il me semble qu'on y trouvera son compte. L'anomalie m'a embarquée par son intrigue, m'a amusée par des allusions à des titres, des personnes, des parodies... de l'humour. H. Le Tellier une complicité avec le lecteur. Une lecture à plusieurs niveaux. L'anomalie est-il un OLNI? A mes yeux qui découvre la littérature, un peu, oui! Le voilà récompensé par le prestigieux prix Goncourt, je m'en réjouis.

     

    Citations:

    On n'imagine pas tout ce que les tueurs à gages doivent aux scénaristes de Hollywood.

    Le président américain reste bouche ouverte, présentant une forte ressemblance avec un gros mérou à perruque blonde. p.162

    Victor observe toutes ces existences éparpillées, toutes ces anxiétés mouvantes dans la boîte de Petri démesurée qu'est le hangar - quel drôle de mot décidément -, sans savoir à laquelle s'attacher. Il s'abandonne à la fascination d'autres vies que la sienne. Il voudrait en choisir une, trouver les mots justes pour raconter cette créature, et parvenir à croire qu'il s'en est approché assez pour ne pas la trahir. Puis passer à une autre. Et une autre. Trois personnages, sept, vingt? Combien de récits simultanés un lecteur consentirait-il à suivre? p.172

    - Je n'ai pas envie d'appeler le Français, boude le président en retournant s'asseoir. p.203

    - Le président américain reste immobile, comme sonné. Le mathématicien observe cet homme primaire, et il se conforte dans l’idée désespérante qu’en additionnant des obscurités individuelles on obtient rarement une lumière collective. p. 206

    - (...) Le président a insisté pour vous le dédicacer personnellement.
    Adrian n'a pas le temps de placer un mot que le chef do protocole ajoute, impassible:
    - Ne vous inquiétez pas, professeur. Nous lui avons donné un feutre à l'eau, cela partira au premier lavage. p.208

     

     


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